lundi 29 avril 2019

Morts violentes d’enfants : des pistes pour mieux les prévenir et former les professionnels

Elsa Bellanger
| 29.04.2019




  • Ours enfant battu secoué
Crédit Photo : Phanie
Un enfant décède tous les 5 jours en France à la suite de violences au sein de sa famille. Ce constat alarmant est posé dans un rapport conjoint (1) des inspections générales des Affaires sociales, de la Justice et de l’Éducation, remis le 25 avril au gouvernement. Suivie d’une série de 32 recommandations, cette enquête a recensé 363 décès en milieu intrafamilial entre 2012 et 2016. En moyenne, 72 morts d’enfants sont ainsi comptabilisés chaque année.

À côté du recensement des cas de décès, les auteurs se sont intéressés de manière approfondie à 45 dossiers judiciaires relatifs à 50 meurtres d’enfants commis entre 2010 et 2015. Ils ont pu constater un « lien très fort entre la violence conjugale et les violences commises sur les enfants », mais aussi que « les troubles psychiatriques, les addictions et la monoparentalité sont présents dans une part importante des dossiers ». Par ailleurs, « dans bon nombre de situations, la maltraitance, ou son risque, aurait pu être détectée si l’on avait rapproché plusieurs signaux d’alerte visibles pour en faire la synthèse », insistent-ils.
Plus de la moitié des victimes ont moins d'un an
Dans le détail, une dizaine de cas chaque année correspondent à des néonaticides, soient à des homicides commis dans les 24 heures suivant la naissance. Ces actes sont le fait des mères et mettent en lumière, soulignent les auteurs, « la particularité de la situation de femmes au parcours chaotique »« Les faits ont toujours lieu à domicile, les mères accouchant seules. Ces grossesses sont spécifiques : le plus souvent elles n’existent pas, elles ne sont ni parlées, ni suivies, ni déclarées », poursuivent-ils. Contrairement à une idée répandue, ces femmes ne sont pas nécessairement jeunes : si 10 % ont moins de 18 ans et un quart ont entre 18 et 25 ans, la moitié d’entre elles ont entre 30 et 40 ans.
Parmi les autres morts violentes recensées, si un tiers des enfants étaient en âge d’être scolarisés, plus de la moitié des victimes avaient moins d’un an. La majorité de ces morts avant un an présentait le syndrome du bébé secoué (SBS) et engageait la responsabilité du père. « Ces données ne tiennent pas compte du “chiffre noir” que constituent les néonaticides non révélés et les enfants victimes du SBS non diagnostiqué », précisent les auteurs. Tous âges des victimes confondus, les auteurs sont principalement les parents des enfants : les mères à 50 %, les pères à 42 % et les conjoints des parents, principalement les hommes, à 8 %.
Des dysfonctionnements dans la détection et le partage d'informations
L’enseignement sans doute le plus alarmant reste que plus de la moitié des enfants concernés par l’étude « avaient subi avant leur mort des violences graves et répétées et, souvent, des signes de violences avaient été repérés par des professionnels ». Cette réalité révèle ainsi des dysfonctionnements ou des « occasions manquées ». Dans la moitié des cas, indique le rapport, « plusieurs signaux d’alerte étaient perceptibles mais n’ont pas été reliés entre eux », mettant en évidence le cloisonnement entre professionnels de santé, membres de l’Éducation nationale ou des services sociaux et représentants de la justice. Les recommandations du rapport cherchent ainsi à améliorer les pratiques de ces différents professionnels. Il s’agit de « mieux repérer, évaluer et prévenir les situations présentant des risques de danger ».
Mieux former les professionnels de santé
Côté médical, les recommandations prévoient de rendre systématique l’autopsie médico-légale de tous les enfants décédés de moins d’un an, mais aussi de mettre en place un carnet de santé numérique de l’enfant et de permettre un examen médical en milieu scolaire, hors la présence des parents et sans obligation de les informer. Les auteurs du rapport proposent également de « systématiser, dans les établissements de santé (…), des protocoles décrivant précisément les démarches à suivre en cas de suspicion de maltraitance ». Enfin, un effort de formation reste à faire sur la détection des cas de maltraitance auprès notamment des pédiatres, des psychiatres, des urgentistes et des infirmières.
(1) Cette étude s’inscrit dans le cadre de la mission prévue par le plan interministériel de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux enfants 2017-2019.

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