vendredi 1 mars 2019

De l’anxiété à la démence, un cercle vicieux

Publié le 20/02/2019




Dans un contexte où l’augmentation de l’espérance de vie entraîne mécaniquement l’accroissement de l’incidence des maladies neurodégénératives, et en l’absence concomitante d’un traitement significativement efficace, toute connaissance nouvelle sur un facteur de risque des démences séniles constitue une avancée utile, puisque la réduction de ce facteur pourrait alors représenter une perspective de prévention.

Une étude longitudinale conduite à Saragosse (Espagne) sur un échantillon aléatoire de 4 803 sujets (âgés de plus de 55 ans) vise ainsi à préciser le rôle de l’anxiété comme facteur de risque éventuel d’une pathologie démentielle. Et en effet, cette étude confirme que, comparativement aux sujets non anxieux, les sujets anxieux (au sens des critères du Geriatric Mental State-AGECAT)[1] ont un risque de démence significativement plus élevé : Odds ratio = 2,77 ; p = 0,01. En d’autres termes, les auteurs observent un risque de démence sénile « près de 3 fois plus élevé » chez des sujets avec une anxiété sévère que dans la population générale, et cela même après contrôle de certains facteurs (contexte de dépression et risque de mortalité).

Traiter l’anxiété…mais pas avec des médicaments qui augmentent le risque de démence !

Cependant, cette étude souffre de limitations, car elle ne précise aucune information relative à l’allèle ε4 du gène de l’apolipoprotéine E (reconnu comme un facteur de risque génétique de démence, surtout s’il est présent à l’état homozygote), et ne propose pas d’ajustement des données en fonction de l’usage éventuel de médicaments psychotropes, susceptibles d’être eux-mêmes associés à une augmentation du risque de démence. Il est certes tentant de conclure que mieux traiter l’anxiété des sujets âgés par des anxiolytiques pourrait contribuer à réduire le risque de démence sénile, mais la prudence reste de mise, car certaines études incriminent les prescriptions importantes d’anxiolytiques et de somnifères comme facteur de risque de la maladie d’Alzheimer.

Et d’autre part, comme le suggère l’éditorialiste britannique commentant cette étude, il n’est pas impossible que l’aporie de « la poule et l’œuf » se profile ici : « anxiété et démence : cause ou effet ? » De façon circulaire, l’anxiété pourrait majorer le risque de démence, et la détérioration cognitive se révélerait elle-même anxiogène, dans un cercle vicieux où la conséquence pérenniserait en retour le contexte causal. On peut espérer cependant que cette étude « stimule d’autres recherches sur la possibilité de diminuer le risque de démence en traitant l’anxiété », en privilégiant sans doute des méthodes non médicamenteuses (psychothérapies), vu le risque propre associé à certains psychotropes.
 
 
Dr Alain Cohen
RÉFÉRENCES
Stewart R : Anxiety and dementia: cause or effect? Acta Psychiatrica Scandinavica, 2019; 139: 3–5. Santabárbara J et coll.: Clinically significant anxiety as a risk factor for dementia in the elderly community. Acta Psychiatrica Scandinavica, 2019; 139: 6–14.

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