lundi 18 mars 2019

A Paris, en moyenne 1 personne sur 77 croisées dans les rues est sans logement personnel

Par Tonino Serafini — 
L'équipe de recensement et Marco, sans abri depuis vingt ans, au service des urgences de l'hôpital Saint-Louis à Paris, lors de la «Nuit de la solidarité» début février.
L'équipe de recensement et Marco, sans abri depuis vingt ans, au service des urgences de l'hôpital Saint-Louis à Paris, lors de la «Nuit de la solidarité» début février. Photo Corentin Fohlen. Divergence


Le recensement des sans-abri réalisé lors de la «Nuit de la solidarité» montre que le nombre de personnes dormant dehors a augmenté de plus de 600 en un an. La mairie de Paris estime que ce dossier doit être appréhendé à l'échelle de la métropole et que chaque commune doit participer à l'effort d'accueil.

Les résultats détaillés du deuxième recensement des personnes dormant dehors dans la capitale apportent des éléments d’information nouveaux par rapport au précédent comptage réalisé l’an dernier.
Cette année, selon des chiffres définitifs publiés lundi par la ville de Paris, 3 641 personnes sans-abri ont été rencontrées par les recenseurs qui ont mené cette opération lors de la nuit du 7 au 8 février, baptisée «nuit de la solidarité». Cela représente une hausse de 600 cas par rapport à l’an dernier (3035 sans-abri comptabilisées en 2018) mais le périmètre du comptage a été élargi et affiné. Ainsi, les talus du périphérique où de nombreux sans domicile dorment dans des tentes ou des cabanes ont été investigués cette année.

Au total, 28 084 personnes

Dans le détail : 2 246 sans-abri ont été recensés dans les rues, 298 dans les 7 gares SNCF parisiennes, 291 dans des stations de métro, 99 dans les urgences hospitalières, 639 dans des lieux spécifiques (bois de Boulogne, bois de Vincennes, colline du crack aux abords du périphérique à la Porte de la Chapelle…) et 58 dans divers endroits (parkings souterrains, halls d’immeubles HLM, parcs et jardins…). Il convient évidemment de préciser que ces 3 641 sans-abri recensés dans les rues ou divers lieux publics (gares, métro…) ne représentent qu’une toute petite partie des personnes sans abri de la capitale.
Car dans la nuit où a été réalisé le comptage, pas moins de 24 443 personnes dépourvues de logement dormaient dans diverses structures d’accueil : centres d’hébergement d’urgence et d’insertion ouverts à l’année, chambres d’hôtel mobilisées par les services sociaux, centres d’accueil pour les demandeurs d’asile (Cada), ou des locaux ouverts à titre provisoire pendant l’hiver, notamment des gymnases convertis en dortoirs. Si l’on additionne les personnes dormant dehors et celles hébergées, on arrive au chiffre de 28 084 personnes dépourvues de logement personnel à la date du 7-8 février dans la capitale. Ce qui représente tout de même un peu plus de 1,3% de la population parisienne (2,14 millions d’habitants). Autrement dit, en moyenne, une personne sur 77 croisées dans les rues de Paris n’a pas de domicile.

Un phénomène partagé par les grandes métropoles

L’intérêt de ce type de recensement – qui s’inspire de ce qui a été fait à New York par Michael Bloomberg, maire de la ville de 2002 à 2013 – est de fournir des données fiables aux décideurs et d’ajuster leurs mesures à la situation. «C’est un outil de pilotage des politiques publiques», estime Dominique Versini, ancienne ministre, aujourd’hui adjointe à la maire de Paris, en charge de la Solidarité, de la lutte contre l’exclusion et des réfugiés. D’ailleurs, d’autres villes – Metz, Rennes, Grenoble – ont lancé des opérations similaires pour mieux connaître la réalité du sans-abrisme sur leurs territoires. «L’an prochain nous referons une nuit de la solidarité, en même temps que d’autres grandes villes européennes», a indiqué vendredi après-midi l’élue parisienne lors d’un échange avec la presse.
L’idée est de partager des connaissances et des expériences en matière de lutte contre la grande exclusion, un phénomène qui touche de nombreuses grandes métropoles. L’afflux de réfugiés et de migrants fuyant les conflits armés, la répression politique ou les risques de famines «pèse beaucoup dans les chiffres»du recensement de 2019, souligne Dominique Versini. Ainsi, lors de la «nuit de la solidarité», 749 sans-abri sur les 2 246 ont été décomptés dans les rues des seuls XVIIIeet XIXarrondissements ou l’on trouve de nombreux lieux d’ancrage de migrants.

Effort

Le recensement réalisé l’an dernier avait révélé que 12% des sans-abri étaient des femmes. Un chiffre qui avait surpris, car jusque-là, des recensements réalisés par l’Insee évaluaient à 2% leur part au sein de la population des sans-abri. Cette statistique a amené la ville de Paris à mettre l’accent sur la création de structures d’hébergement exclusivement dédiées aux femmes. Trois ont été créés : un au sein de l’hôtel de ville de Paris, un autre à la mairie du Ve arrondissement, et un dernier dans un local de l’Armée du salut dans le XIIIe arrondissement.
Au vu des chiffres de 2019 qui témoignent d’un accroissement du nombre de personnes vivant dehors, la ville va accroître son effort pour créer des lieux d’hébergement : 263 places vont être créées dans un bâtiment boulevard Jourdan (Paris XIVe), et une halte de nuit d’une vingtaine de places devrait être créée dans chaque mairie d’arrondissement. Toujours pour cette année, la mairie de Paris annonce la création d’un lieu unique de gestion de courrier pour les sans-abri, incontournable pour accéder à des droits (demande de RSA…) ou de garder un contact avec des amis ou la famille. Une «maison des réfugiés» va aussi être ouverte, dans la vocation est d’orienter et d’informer les migrants.
Cependant, Dominique Versini souligne que pour faire face aux besoins, «le dispositif d’hébergement doit être pensé à l’échelle toute la métropole». Pour la mairie de Paris, «la métropole [doit] s’engager à développer l’offre [d’hébergement] et veiller à ce qu’elle soit répartie sur tout le territoire». Selon la ville, la capitale abrite à elle seule près du tiers de toutes les structures d’hébergement de l’Ile-de-France qui compte 12 millions d’habitants. Sous entendu, toutes les communes de la région parisienne ne participent pas à l’accueil des plus démunis.


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