jeudi 7 février 2019

Accessibilité de la téléphonie : « Les personnes “sourdaveugles” et aphasiques attendent toujours »

Des représentants de personnes atteintes de déficits visuel et auditif ou d’aphasie déplorent l’absence de services adaptés à leur handicap, malgré une obligation légale depuis le 8 octobre 2018.
Publié le 06 février 2019
L’année 2018 devait marquer un moment historique pour la France, censée emboîter le pas à d’autres pays précurseurs tels que les Etats-Unis, la Suède ou le Royaume-Uni. En effet, depuis le 8 octobre 2018 et pour la première fois, les personnes malentendantes, « sourdaveugles » et aphasiques peuvent faire valoir leur droit à des télécommunications accessibles. Impensable il n’y a pas si longtemps, c’est devenu possible grâce aux progrès technologiques et aux combats des personnes en situation de handicap pour faire cesser les discriminations. Désormais, les opérateurs de télécommunications (Orange, Bouygues, SFR, Free…), les services publics (mairies, caisses d’allocations familiales…) et les entreprises dépassant un chiffre d’affaires annuel de 250 millions d’euros (MGEN, Carrefour…) doivent fournir une communication téléphonique accessible en recourant à un service de traduction écrite ou visuelle simultanée adapté à chacun des publics, suivant une montée en charge progressive culminant en 2026.

Cependant, la mise en place concrète des obligations légales pose question. L’article 105 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique et le décret n° 2017-875 du 9 mai 2017 stipulent que les services de relais téléphoniques pour les personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles et aphasiques devaient démarrer dès le 8 octobre 2018. Si cette accessibilité est quantitativement limitée dans un premier temps, le service doit bel et bien exister qualitativement. Aucune distinction n’est faite entre les différentes catégories de population concernées, le même calendrier et les mêmes droits leur sont appliqués. Or, nous estimons que l’accessibilité des télécommunications n’existe pas pour les usagers que nous représentons.
« Cet accès est possible grâce aux progrès technologiques et aux combats des personnes en situation de handicap pour faire cesser les discriminations »
Pour rappel, le relais téléphonique pour les personnes sourdaveugles implique une accessibilité basse vision (en cas de malvoyance) et braille (en cas de cécité totale), qui nécessite des ajustements techniques de l’interface (contrastes, couleurs, conversion braille, etc.). Il faut aussi former les opérateurs-relais et agents d’accueil téléphonique (interprètes en langue des signes française, codeurs en langage parlé complété et transcripteurs texte) pour qu’ils puissent s’adapter à la communication avec une personne malvoyante ou « brailliste ». L’accessibilité du téléphone pour les personnes aphasiques passe, quant à elle, par la création d’une interface de communication multimodale permettant de combiner la voix, la vidéo, l’écrit et l’utilisation de pictogrammes. Elle repose également sur l’existence d’opérateurs-relais formés à l’aphasie faisant le lien entre la personne aphasique et son interlocuteur, ou apportant ponctuellement un support durant cette communication.
Comment se fait-il qu’aujourd’hui aucun service n’existe nulle part pour les aphasiques – en dépit de l’obligation légale et alors même que des développeurs ont réussi à créer, en quelques mois et avec des moyens réduits, une interface adaptée au cours de l’expérimentation nationale Origo en 2014-2015 ? Pourquoi les acquis de cette expérimentation n’ont-ils pas été réutilisés par les opérateurs actuels ?
Comment se fait-il qu’aujourd’hui le service soit à demi-accessible aux personnes sourdaveugles – alors même que les associations tiennent à la disposition du public leurs préconisations, simples à mettre en œuvre, et que l’expérimentation Origo, là encore, a prouvé qu’il était possible de mettre en place rapidement cette accessibilité ?
Comment se fait-il que les services disponibles n’aient toujours pas fait, quatre mois après leur lancement officiel, l’objet de tests dignes de ce nom mettant à l’épreuve leur accessibilité basse vision et braille ?
Comment se fait-il que les services de relais téléphonique ne forment pas leurs opérateurs-relais (interprètes, codeurs, transcripteurs et opérateurs du service aphasie) à la communication avec les usagers sourdaveugles et aphasiques – alors même qu’une offre de formation a été élaborée et proposée par les associations, et qu’il est possible de mettre rapidement en place ces formations courtes en attendant la création de dispositifs pérennes ?
Pour les aphasiques : Diplôme Universitaire Toulouse 3, en e-learning « Communication et aide à la communication avec des personnes aphasiques », deboissezon.sec@chu-toulouse.fr 
Pour les sourdaveugles : AccesVisuel (accesvisuel@gmail.com) et Formanpsa (http://www.anpsa.fr/nos-actions/formanpsa)
Au regard de ces éléments, nous ne nous expliquons ni la dégradation du service proposé aux sourdaveugles ni l’inexistence de celui destiné aux aphasiques.
Nous comptons donc sur tous les acteurs concernés pour mettre en œuvre, dans les délais les plus brefs, une réelle accessibilité des télécommunications pour chacun des publics prévus par la loi. Dans ce parcours, nous nous tenons, comme toujours, à leur disposition pour les accompagner et les conseiller. Et nous rappelons que plus de 500 000 personnes attendent de pouvoir passer un appel téléphonique. Quand va-t-on enfin pouvoir dire « une personne sourdaveugle ou une personne aphasique vous appelle » ?
Association nationale pour les personnes sourdAveugles (ANPSA) :assoanpsa@anpsa.fr 
Fédération nationale des aphasiques de France (FNAF) : info@aphasie.fr 
Réseau national des sourdAveugles (RNSA) :association.rnsa@gmail.com

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