vendredi 25 janvier 2019

Le pronostic en psychiatrie, tout un art !

Publié le 21/01/2019

Il est rare de voir une revue comme JAMA Psychiatry, à l’avant-garde des recherches dans la spécialité, citer un auteur de l’Antiquité. Mais il est vrai qu’il s’agit d’Hippocrate de Cos (–460 –377 av J.C), le « père de la médecine » lui-même !
Notre illustre précurseur serait en effet responsable de «l’introduction du concept de pronostic » dans la pratique médicale. Consacrant une réflexion à cette « science du pronostic » appliquée à la psychiatrie, une équipe britannique donne ainsi la parole à Hippocrate : « Il m’apparaît comme une démarche excellente pour le médecin de cultiver l’art du pronostic... d’être en mesure de prévoir et d’annoncer, en présence d’une maladie, son évolution future. »

L’ambition des épigones actuels d’Hippocrate semble de transformer désormais cet art (divinatoire ?) en une science, sinon exacte, du moins nourrie par l’objectivité numérique des statistiques. Visant à promouvoir « une science du pronostic en psychiatrie basée sur des preuves » (evidence-based science of prognosis in psychiatry), cette démarche tend à « se concentrer sur les résultats des individus plutôt que sur la maladie » pour devenir « la pierre de touche d’une psychiatrie scientifique et personnalisée. »

Du mensonge aux statistiques

Pour mieux comprendre ce tournant du discours médical, il faut avoir vu certaines séries télévisées où des médecins (comme ceux de la série Good Doctor[1]) disent explicitement le diagnostic au patient et assortissent cette révélation d’une précision sur le pronostic s’appuyant sur des statistiques de guérison ou de survie. La médecine en général et la psychiatrie en particulier accordent ainsi une place croissante aux pronostics « chiffrés », complétés par l’objectivité ou/et la sécheresse implacable de statistiques, certainement valables de façon globale, mais sans certitude concrète pour un individu donné. Dans un exemple, les auteurs évoquent ainsi l’accroissement du risque de développer une psychose pour un patient : « 26 % à 3 ans ; intervalle de confiance à 90 % [23 %–30 %]»
Comme disaient Benjamin Disraeli et Mark Twain, « Il existe trois sortes de mensonges : les petits mensonges, les gros mensonges et les statistiques ! »
Dr Alain Cohen

RÉFÉRENCES
Fusar-Poli P et coll.: The science of prognosis in psychiatry. JAMA Psychiatry, 2018: 1289–1297.
Fusar-Poli P et coll.: A case of a college student presenting with mild mental health problems. JAMA Psychiatry, 2018: 1298–1299.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire