mardi 15 janvier 2019

Exposition A Sainte-Anne, “l’art des fous” sert à analyser les troubles mentaux (ou pas)

Mathilde Blayo  14/01/2019






Charles Levystone (Maroc) - sans date

Sans titre

Huile sur bois, 23,7 x 35,2 cm

N°1237

Centre d’Etude de l’Expression

MAHHSA, Musée d’Art et d’Histoire de l’Hôpital Sainte-Anne

 

Dans une galerie souterraine de l’hôpital Sainte-Anne, à Paris, une centaine d’œuvres d’artistes-patients offrent l’occasion de s’interroger sur l’histoire récente de la psychiatrie, les objectifs de “l’art-thérapie” et le cœur de ce qui fait l’artiste.

Sur un panneau de bois, un fruit et une tasse posés sur une chaise blanche, peints à l’huile. La paisible nature morte n’est pas sans rappeler les pommes orangées de Cézanne. Mais l’artiste ici est un inconnu. Charles Levystone a fréquenté les ateliers d’art-thérapie artistique de l’hôpital Sainte-Anne, à Paris, de 1962 à 1967.

Cinquante ans plus tard, ses peintures sont présentées dans ces mêmes murs, à l’occasion d’une exposition du Musée d’art et d’histoire de l’hôpital. Une centaine d’œuvres datant des années 1960 et 70 interrogent, par leur singularité, la notion d’art psychopathologique. Une appellation qui renvoie à l’art pratiqué dans les hôpitaux psychiatriques et vu comme un outil d’analyse des troubles mentaux.

Les artistes d’une époque

Comment définir cette production ? Sous quelle catégorie artistique les ranger ? A l’époque, et pour encore beaucoup de gens aujourd’hui, l’art à l’hôpital s’apparenterait à l’art brut tel que l’avait défini le peintre Jean Dubuffet en 1945 lors de visites d’asiles en Suisse : « la production de personnes marginales, exemptes de culture artistique ». Sauf que tout ce que l’on peut voir sur les cimaises à Sainte-Anne n’est clairement pas vierge d’influences.
Jean Janès (France) – Novembre 1961

Sans titre
Encre sur papier, 67 x 50 cm

N°0634

Centre d’Etude de l’Expression

MAHHSA, Musée d’Art et d’Histoire de l’Hôpital Sainte-Anne

Les natures mortes de Charles Levystone rappellent Cézanne ? Il le connaissait sûrement en tant qu’ancien étudiant des Beaux-arts. Dans l’arène, face au toréador, le taureau du « patient » Pascal Durand croqué d’un geste précis et expressif ne trompe pas : lui aussi a eu une formation artistique. Surprise, les fous ont eu une vie avant l’asile ! Mieux : ils ont une technique et un regard qui ne sont pas nécessairement altérés par la maladie. Le catalogue de l’exposition indique que, durant ses courts passages à l’hôpital, Pascal Durand a continué de peindre dans le style qui lui est propre. Mais malgré cette permanence de la création et du regard artistique, les productions des patients ont longtemps été regardées par le seul prisme du trouble psychiatrique.

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