mercredi 26 décembre 2018

Vers des perspectives de modélisation en psychiatrie

Publié le 26/12/2018




Si les objets fractals tels que le célèbre ensemble de Mandelbrot[1] passent pour les structures mathématiques les plus complexes (comportant en tout point une architecture déployée en sous-structures gigognes, vers l’infiniment petit), on estime que le cerveau humain représente de même, du point de vue matériel comme informationnel, la structure « la plus sophistiquée » de l’univers connu. De ce constat, le British Journal of Psychiatry tire une conséquence évidente : vu sa complexité, comment cet organe pourrait-il échapper à des dysfonctionnements, autrement dit comment concevoir un monde sans l’existence concomitante de maladies mentales qui semblent constituer la rançon obligée de cette complexité ?


Commentant des travaux de LL Gollo et coll.[2], les auteurs rappellent la richesse de l’ensemble des interconnexions neuronales formant une sorte de superstructure ou d’organe virtuel, le connectome[3] dont l’étude débouche sur une nouvelle approche en psychiatrie, liée à l’apport des neurosciences « computationnelles »[4]. Si cette prodigieuse diversité cérébrale offre d’énormes avantages adaptatifs pour l’individu et pour l’espèce, il est évident que la moindre erreur de câblage, structurelle ou fonctionnelle, c’est-à-dire dans le « hard » ou dans le « soft » (pour reprendre la vision informatique d’une dualité entre la structure matérielle et le fonctionnement logiciel qui n’est pas sans rappeler la dualité philosophique ou religieuse entre le corps et l’âme) risque d’avoir des conséquences cliniques importantes.

Cap sur le connectome !

S’appuyant sur des modèles mathématiques pour évaluer l’effet de modifications aléatoires du connectome, les chercheurs observent que même de petites variations dans sa structure ou son fonctionnement peuvent dégrader très rapidement la connectivité physiologique du cerveau, en particulier dans les lobes frontaux qui se révèlent particulièrement sensibles à toute altération du connectome. Dans les modèles cérébraux subissant les modifications les plus importantes, on constate que les connexions les plus profondes sont aussi les plus résistantes.

En extrapolant ces modèles mathématiques, la « psychiatrie computationnelle »[4]suggère que si nous sommes globalement similaires quant à notre connectome, des variations modestes peuvent déclencher des effets dévastateurs. En particulier, certains modèles (de connectomes altérés) présentent des analogies significatives avec les changements cérébraux et les réductions de matière grise observées dans la schizophrénie. Pour l’éditorialiste de Nature Neurosciences[5], ces travaux novateurs constituent ainsi des perspectives prometteuses pour contribuer à mieux comprendre certaines situations neuropsychiatriques.

Dr Alain Cohen
RÉFÉRENCES
Tracy DK et coll. : Kaleidoscope. Br J Psychiatry, 2018 ; 213 : 623-624.
[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Ensemble_de_Mandelbrot & http://images.math.cnrs.fr/Benoit-Mandelbrot.html 
[2] Gollo LL et coll.: Fragility and volatility of structural hubs in the human connectome. Nature Neurosciences 2018 ; 21 : 1107–1116.
[3] https://fr.wikipedia.org/wiki/Connectome
[4] Gaillard R et Jardri R : Les neurosciences computationnelles en psychiatrie : peut-on modéliser les symptômes psychotiques ? Ann Med Psychol 2015 ; 173 : 231-235.
[5] Rosalyn J. Moran : Disease strays to evolutions bounds. Nature Neurosciences, 2018; 21: 1019–1026.

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