lundi 3 décembre 2018

Psychologues sous délégation, patients sous obligation


04. déc. 2018

SUISSE



PAR PRISKA RAUBER
Solange* est suivie par Christine Surchat depuis dix ans. Abruptement, dans quelques jours, cette quinquagénaire ayant souffert de traumas précoces, de troubles affectifs et de problèmes d’addictions ne pourra plus se rendre chez cette psychologue qu’elle apprécie tant. Cela à cause du système de délégation, qui permet aux patients de faire rembourser leurs séances par leur assurance maladie. Les psychologues ne sont en effet reconnus par l’assurance de base que s’ils sont supervisés par un médecin psychiatre.
Hélas pour Solange, la collègue psychiatre de Christine Surchat part à la retraite en décembre et n’a pas trouvé de successeur. Puisque sa situation financière ne lui permet pas de payer elle-même ses séances de psychothérapie, elle est contrainte de se tourner vers un autre psychothérapeute délégué ou directement vers la psychiatrie.
Mais la psychiatrie, Solange ne l’apprécie guère. Elle en a «une grande expérience», et la trouve «rigide et impolie». «Assis sur les livres, les psychiatres travaillent dans la dureté, alors que les psychologues utilisent la douceur, la patience, et bannissent la culpabilisation», écrit-elle dans son courrier au président de la Confédération, Alain Berset.
Médecine à deux vitesses
Cinq des six patients en délégation de Christine Surchat qui, comme Solange, vont faire les frais de ce système ont spontanément rédigé une lettre pour plaider le changement de modèle. Elles font partie des 3700 missives remises mi-novembre au Département de l’intérieur par les psychologues psychothérapeutes suisses, qui revendiquent une réforme (voir ci-dessous).
Pour ces derniers, la délégation les place au rang inférieur de personnel auxiliaire des psychiatres. Pour Solange, elle l’empêche d’avoir le choix du thérapeute à qui elle confie son intimité et sa santé mentale. «Pourquoi n’ai-je pas le droit de progresser avec la personne que je choisis?» demande-t-elle.
Et de relever un système à deux vitesses, entre ceux qui peuvent payer pour choisir, et les autres. «Le mal-être appartient-il uniquement à la classe aisée de notre société?» abonde Agnès*, 65 ans, une autre patiente de Christine Surchat, qui relève le suivi «hypercompétent et la disponibilité sans faille» de sa psychothérapeute bulloise.
«Si je vous disais ce qu’elle a fait pour moi, vous ne le croiriez pas», confie Solange à Alain Berset. Et de conclure: «Si j’avais connu ma psychologue plus jeune, j’aurais sûrement fait quelque chose de mieux dans ma vie. Je serais peut-être à votre place aujourd’hui, qui sait?»

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