mardi 20 novembre 2018

Droits de l’enfant : les principales recommandations de Jacques Toubon

Par Anaïs Moran — 
Jacques Toubon en juillet 2016 à Paris.
Jacques Toubon en juillet 2016 à Paris. Photo Martin Bureau. AFP 


Le Défenseur des droits en appelle à une meilleure protection juridique des enfants en bas âge, de la naissance à six ans, alors qu'une nouvelle tentative d'interdire des châtiments corporels doit être débattue à la fin du mois à l'Assemblée.

Mardi, à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’enfant, le Défenseur des droits dévoile son rapport sur les droits «des enfants de la naissance à six ans.» En France, on en compte environ cinq millions. Comment les politiques publiques s’organisent-elles pour garantir les droits de ces tout-petits ? Y parviennent-elles dans tous les domaines de leur vie ? A en croire les vingt-six recommandations de Jacques Toubon, la France peut mieux faire. Zoom sur cinq d’entre elles.

1/ Inscrire dans la loi l’interdiction des châtiments corporels

Elle fait son grand retour à l’Assemblée et Jacques Toubon s’affiche comme l’un de ses plus fervents défenseurs. Après son annulation par le Conseil constitutionnel l’an passé, la «loi antifessée» devrait passer en séance dans l’hémicycle le 29 novembre. Ce texte, prévu d’être inséré à l’article 371-1 du code civil sur l’autorité parentale, vise avant tout à inscrire symboliquement dans le code civil (sans sanction pénale donc) le «droit des enfants à une éducation sans moyens d’humiliations tels que la violence physique et verbale, les punitions ou châtiments corporels, les souffrances morales».
En février, la députée Modem Maud Petit, à l’initiative de ce texte, avait déposé avec François-Michel Lambert du Parti radical de gauche une première proposition de loi, qui n’avait jamais été inscrite à l’ordre du jour. Chose faite désormais. Une grande nouvelle pour le Défenseur des droits qui recommandait depuis quatre ans la prohibition «du droit à la correction.»

2/ Rendre les crèches accessibles aux enfants pauvres

Si Emmanuel Macron l’a promis en septembre dernier lors de l’annonce de son plan pauvreté, le Défenseur des droits a tout de même choisi d’en remettre une couche dans son rapport annuel : «Les collectivités publiques doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre l’accès effectif de tous les enfants, sans aucune discrimination, aux modes d’accueil collectif de la petite enfance […] souvent réservées aux parents qui travaillent, ce qui a pour effet d’évincer les enfants dont l’un des parents est inactif ou au chômage.»
Difficile de le contredire : selon les chiffres énoncés par le président de la République lui-même, seuls 5% des enfants de quartiers défavorisés sont accueillis en crèche, contre 20% ailleurs. Difficile aussi, de ne pas partager ses suspicions envers la mise en application des promesses gouvernementales. Sous François Hollande, la convention d’objectifs et de gestion (COG) prévoyait la création de 275 000 places d’accueil, dont 100 000 en accueil individuel, 100 000 en accueil collectif et 75 000 en préscolarisation entre 2013 et 2017, mais seuls 16% de cet objectif a été atteint.

3/ Mettre fin à l’enfermement des enfants en centre de rétention administrative

En 2012, 99 enfants avaient été placés en rétention en métropole, le nombre ayant notablement chuté en 2013 (41 enfants) et 2014 (45 enfants), pour remonter à partir de 2015 (105 enfants), puis 2016 (182 enfants) et atteindre en 2017 le chiffre record de 275 enfants. Il convient d’insister sur le fait que ces chiffres ne comprennent pas les enfants placés en zone d’attente. Le Défenseur des droits a été saisi durant l’année 2017 de la situation de 21 familles avec enfants retenues en centre de rétention administrative. En 2016, il avait été saisi de 17 situations similaires. «Il convient de garder à l’esprit que la situation d’extrême vulnérabilité des enfants est déterminante et prédomine sur la qualité d’étranger en séjour illégal», rappelle Jacques Toubon. Sa recommandation est donc limpide et sans surprise : proscrire dans toutes circonstances le placement des familles avec enfants en centre de rétention administrative. Et se conformer (enfin) à la Convention internationale des droits de l’enfant.

4/ Augmenter le nombre d’encadrants scolaires pour pouvoir accueillir les élèves en situation de handicap

Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la France se classe parmi les pays ayant le plus faible taux d’encadrement par classe dans l’enseignement maternel, à savoir un encadrant pour vingt-deux élèves. Bien loin des bons élèves européens. En Suède on compte un encadrant pour 6 enfants, un pour 7 élèves en Norvège, un pour 9 en Allemagne et en Autriche. Un manque d’encadrants scolaires qui pénalise en premier lieu les élèves en situation de handicap qui ont généralement besoin d’un référent à plein temps. Et les chiffres ne trompent pas : selon les données agrégées des centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP), ces enfants sont 20% moins nombreux à être scolarisés que les autres. Seuls 30% des élèves souffrant de troubles autistiques connaîtraient les joies (et les pleurs) de l’école maternelle.

5/ Désigner un administrateur qui représentera l’enfant dans le cadre d’une procédure judiciaire

S’agissant des enfants en bas âge, le droit français ne prévoit pas la possibilité qu’un avocat puisse être directement désigné pour eux. Dans la pratique, certains juges des enfants, en accord avec le barreau, demandent parfois la désignation d’un avocat au bâtonnier lorsque cela paraît nécessaire. Une convenance – ni prévue ni encadrée par aucun texte – que d’autres juges refusent de pratiquer. La solution pour respecter les droits de ces tout-petits qui peuvent notamment être en situation de maltraitance ? «L’administrateur ad hoc»selon Jacques Toubon, ce référent qui permettrait de «les représenter, d’assurer le respect de leurs droits durant la procédure judiciaire et de demander la désignation d’un avocat s’il l’estime nécessaire.» Une mesure très coûteuse mais «nécessaire pour garantir aux mineurs non capables de discernement un accès effectif à leurs droits.»


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