lundi 8 octobre 2018

Tu aimeras ton prochain, issu d’une PMA, comme toi-même

Par Muriel Flis-Trèves, psychiatre-psychanalyste Serge Hefez, psychiatre, psychanalyste Maurice Mimoun , chef de service de chirurgie plastique de l'hôpital Saint-Louis Israël Nisand, gynécologue obstétricien Erwann Binet, ancien député Isabelle Copé-Bessis, avocat à la Cour, spécialiste en droit de la famille des personnes et du patrimoine Juliette Guibert, gynécologue-obstétricienne, spécialiste de l’AMP, à la clinique de la Baie, Morlaix ,Raphaël Molenat, avocat à la Cour, conçu par don de gamètes Hélène Poivey-Leclercq , avocat à la Cour et ancien membre du Conseil National des Barreaux et du Conseil de l’Ordre de Paris et Philippe Terriou , médecin biologiste, responsable du centre d’AMP de l’Institut de médecine de la reproduction à Marseille — 
Paillettes de spermatozoïdes au Cecos du CHU de Bordeaux.
Paillettes de spermatozoïdes au Cecos du CHU de Bordeaux.
Photo Burger. Phanie

70 000 personnes en France doivent leur vie à un don anonyme de sperme. A ceux qui veulent connaître leurs origines, une plateforme d’échange avec les donneurs pourrait être envisagée.

Tribune. Le comité consultatif national d’éthique vient de rendre un avis qui préconise une levée de l’anonymat des donneurs de gamètes. Si cet avis va dans le bon sens, il est insuffisant, parce qu’il ne prévoit rien pour les personnes déjà nées d’un don de gamètes. Pour elles, nous préconisons la création d’une plateforme d’échanges anonymes. A l’heure où certaines personnes en appellent à la «dignité de la procréation», en pointant du doigt la procréation médicalement assistée (PMA) et en prenant le risque de stigmatiser les personnes qui en sont issues, nous demandons à tous d’ouvrir les yeux sur une réalité : aujourd’hui, 70 000 personnes en France doivent leur vie à un don anonyme de sperme. Ces mystérieux donneurs font, pour certaines d’entre elles, partie de leur univers mental. Elles aspirent à en savoir un peu plus sur celui qui a contribué à leur venue au monde.
Le gouvernement est invité par la Cour européenne des droits de l’homme à se prononcer avant ce vendredi 5 octobre sur ses intentions à propos du droit à la connaissance des origines des personnes issues d’un don de gamètes, dans le cadre de la future révision de la loi de bioéthique. Cette demande s’inscrit en réponse à une requête dont Audrey Kermalvezen a saisi la Cour de Strasbourg. Ce recours a pour finalité de savoir si l’Etat français a eu raison de refuser d’interroger le donneur d’Audrey sur son souhait de lui révéler son identité et/ou des données non identifiantes, concernant sa santé, sa profession, ses éventuels problèmes génétiques.
Par le biais d’une plateforme informatique d’échanges anonymes entre le donneur et l’enfant issu de son don (1), le donneur qui le souhaite et le jeune adulte qui en ressent le besoin pourraient ainsi, de manière volontaire, prendre le temps, de faire connaissance, de répondre aux questions de l’un et de l’autre. Une fois la confiance installée (ou pas), le donneur et sa progéniture pourraient décider (ou non) de lever leur anonymat respectif. Cette solution informatique ménage un juste équilibre entre le droit de l’enfant à connaître ses origines et le droit des parents et du donneur au respect de leur vie privée.
Le Comité consultatif national d’éthique ne s’intéresse, lui, qu’à l’avenir. S’il souhaite que soit rendue possible la levée de l’anonymat des futurs donneurs c’est à condition, précise-t-il, de respecter «le choix de ces derniers».
Une telle mesure, qui consacre un droit de veto, y compris pour les futurs candidats au don, nous paraît inadaptée. Tout d’abord, elle créerait une inégalité de traitement entre les enfants, parfois au sein d’une même famille. Par exemple, le frère et la sœur peuvent ne pas être issus du même donneur et il peut se trouver que le géniteur du frère souhaite se faire connaître tandis que celui de la sœur s’y oppose. Mais surtout, maintenant que les tests ADN existent, on ne peut plus garantir aux donneurs que leur anonymat sera indéfiniment préservé.
Par respect pour eux, et afin qu’ils continuent de donner en confiance, il faut changer la règle et n’accepter, à l’avenir, que les donneurs prêts à être identifiés dix-huit ans plus tard. C’est à cette condition et en toute connaissance de cause, qu’ils choisiront de donner. Tous les exemples étrangers démontrent qu’une telle réforme entraîne une modification du profil des donneurs. Leur nombre reste constant dans certains pays et se révèle même être en hausse dans d’autres. C’est ce que demandent les personnes issues de don de gamètes ainsi que certains donneurs, dans un souci de transparence et de sécurité juridique. Nos échanges avec les protagonistes de la PMA nous ont permis de vivre par catharsis cette aventure humaine ô combien porteuse de solidarité. Pour la défendre, il faut faire confiance à ceux qui ont permis, grâce à leur don, à une famille d’exister et à ceux, ainsi conçus, qui sont pleins de reconnaissance pour ces âmes généreuses.
(1) Comme le propose l’association Origines, d’Audrey et Arthur Kermalvezen (www.associationorigines.com).

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