Les opiacés représentent les deux tiers des 72 000 morts par overdose outre-Atlantique. Devant ce chiffre record, villes, Etats et autorité fédérale se mobilisent.
Comme tous les ans, en août, le chiffre officiel est tombé. Glaçant. En 2017, 72 000 personnes sont mortes d’une overdose aux Etats-Unis. Parmi elles, deux tiers ont succombé à une surdose d’opiacés naturels ou de synthèse. Un chiffre en hausse de près de 15 % par rapport à 2016, année record, selon les données des CDC (Centers for Disease Control and Prevention), qui inlassablement exposent les défaillances du système de santé américain.
Seule évolution encourageante de ce rapport : le nombre d’overdoses se tasse dans quelques Etats. Le Wyoming connaît une diminution de plus de 30 %, l’Utah une décrue de 12 %. Le Vermont, le Massachusetts, le Dakota du Nord et le Rhode Island ont observé des baisses de 1 % à 6 % des décès.
Particulièrement touchés par la crise, tous ces Etats ont, ces dernières années, pris des mesures pour la contrer : développement des centres de traitement de l’addiction (inexistants ou difficiles d’accès dans certaines parties du pays) et meilleure prise en charge des coûts liés à ces cures, information auprès des médecins pour limiter le nombre de prescriptions d’antidouleurs puissants, distribution de drogues de substitution, telles que la méthadone ou la buprénorphine, mise à disposition de l’antidote naloxone aux forces de l’ordre, aux pompiers, dans certains lieux publics… Menés sur plusieurs années, ces efforts ont donc permis une légère inversion de la tendance.
Mais le rapport des CDC est aussi porteur d’une sombre nouvelle : l’usage du fentanyl, une drogue de synthèse aux effets dévastateurs, qui fait l’objet de trafics dans les villes et les campagnes américaines, explose. Le nombre de morts suit, notamment au Nebraska (+ 38,6 %) et dans la plupart des Etats de la Côte est et du Midwest. Disponible, peu cher, produit en masse par des trafiquants venus de Chine et du Mexique, le fentanyl échappe aux radars des pouvoirs publics, contrairement aux comprimés antidouleur prescrits, massivement certes, mais légalement.
Urgence de santé publique
Face à ce fléau pluriel, les autorités fédérales tentent de réagir. L’an dernier, Donald Trump avait fait de la crise des opioïdes une « urgence de santé publique », sans pour autant y consacrer de moyens supplémentaires. Dans un mouvement exceptionnel, un texte bipartisan a franchi l’étape du Congrès début octobre et attend la signature du président américain pour entrer en vigueur.
Selon ses initiateurs, il devrait permettre de développer l’accès aux traitements, de renforcer la lutte contre le trafic, de poursuivre la réduction des prescriptions d’opioïdes, d’encourager les recherches sur des antidouleurs de substitution… Mais le texte renvoie à plus tard le financement fédéral des mesures, qui pourrait atteindre 8 milliards de dollars sur cinq ans. Une somme jugée insuffisante par les experts sur le terrain, qui comparent ce chiffre aux dizaines de milliards consacrés à la lutte contre l’épidémie de sida. L’un des besoins urgents concerne les cures de désintoxication : inégalement prises en charge par la couverture santé selon les Etats, elles demeurent hors d’atteinte pour nombre de personnes.
D’autres idées ont été avancées par l’administration, sans suite pour l’instant. Ainsi Donald Trump a proposé une réduction de la production des opiacés les plus fréquents dans les overdoses mortelles comprise entre 7 % et 15 %. L’administration a aussi annoncé son intention d’engager des poursuites contre les producteurs et les distributeurs d’antidouleurs, leurs publicités et leur marketing agressifs ayant depuis des années favorisé l’addiction et/ou le mésusage de ces médicaments chez plus de 2 millions d’Américains. De leur côté, les Etats, les villes et les comtés n’ont pas attendu les déclarations d’intention du gouvernement fédéral : ces dernières années, plusieurs centaines de plaintes ont été déposées contre les plus grandes entreprises impliquées dans ce commerce mortel. Des procédures qui devraient se solder par de généreux règlements financiers.
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