vendredi 19 octobre 2018

C’est un génie ! Avec un brin de folie…

Publié le 11/10/2018






Les liens entre psychopathologie et créativité sont évoqués depuis l’Antiquité, rappellent des psychiatres exerçant en Inde qui citent cet aphorisme attribué à Aristote : « aucune grande idée n’a pu survenir sans un brin de folie. » Le thème de « l’artiste perturbé » ou du « savant fou » illustre cette proximité présumée entre problématiques psychiatriques et intuitions géniales dans les domaines artistiques ou scientifiques.
Avec maints exemples à l’appui : peintres (Vincent Van Gogh, Jackson Pollock, Nicolas de Staël), poètes (Paul Verlaine, Charles Baudelaire, Antonin Artaud), écrivains (Guy de Maupassant, Charles Bukowski, Malcolm Lowry), rock-stars détruites précocement par l’alcool ou la drogue (Jim Morrison, Jimi Hendrix, Amy Winehouse), ou encore le pianiste David Helfgott (ayant inspiré le film Shine[1]) et des mathématiciens comme Georg Cantor ou John Forbes Nash (dont la biographie a suscité le film Un homme d’exception[2]). Lauréat du Prix Nobel d’économie en 1994, malgré un long passé psychiatrique, Nash pensait que « des Extra-Terrestres l’avaient rémunéré pour sauver le monde » et justifiait l’incongruité de cette croyance parce que « des idées sur des choses surnaturelles lui venant de la même façon que des solutions mathématiques, il prenait ces idées au sérieux ! »

Une association entre troubles mentaux et créativité


Ce thème du « génie fou » connut notamment une grande popularité à la fin du XIXèmesiècle, avec les travaux de Cesare Lombroso (précurseur de la criminologie et de la médecine légale) estimant que « le génie et la folie seraient des manifestations étroitement apparentées de troubles neurologiques ou dégénératifs sous jacents. » Si la pertinence de cette « association probablement positive » entre folie et génie (ou du moins entre troubles mentaux et créativité) divise toujours la communauté scientifique, on admet aujourd’hui (arguments neuropsychologiques ou psychométriques à l’appui) la réalité d’une telle « association étroite. » Il existe aussi des indices d’une susceptibilité génétique commune, comme pour ce fils d’Einstein, considéré comme psychotique[3]. On reconnaît également l’influence de certains éléments (comme le QI, la flexibilité cognitive ou la mémoire de travail) sur le degré de créativité.



Mais l’un des problèmes ouverts reste l’incidence des facteurs pharmacologiques : entre la promotion (souvent risquée) de la créativité par des psychostimulants ou des drogues (comme chez certaines rock-stars) et le risque de la « stériliser » par des produits sédatifs, les psychotropes contribuent toutefois à éviter le pire : les auteurs rappellent ainsi, a contrario, le triste sort d’Ernest Hemingway : il se suicida, après avoir quitté l’hôpital, contre l’avis du médecin. 35 ans plus tard, sa petite fille, Margaux, l’imitait...


Dr Alain Cohen

RÉFÉRENCE
Ramasubba Reddy I et coll. : Creativity and psychopathology: Two sides of the same coin? Indian Journal of Psychiatry 2018; 60: 168–174.

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