samedi 22 septembre 2018

'Ordre ne s'oppose pas à l'ouverture de l'AMP à toutes les femmes, contraire ni à la déontologie ni aux principes éthiques

Coline Garré
| 20.09.2018


C'était une prise de position attendue. « La voix de l'Ordre s'est faite timide jusque-là », a reconnu le Dr Jean-Marie Faroudja, président de la section éthique et déontologie du Conseil national de l’Ordre des médecins, en liminaire de son audition devant la mission d'information sur la bioéthique de l'Assemblée nationale, ce 19 septembre. 
« Nous n'avons pas de raison d'être contre (l'ouverture de l'assistance médicale à la procréation à toutes les femmes) parce qu'il n'y a pas de raison déontologique écrite ni d'opposition formelle aux quatre principes »fondateurs de l'éthique, l'autonomie, la bienfaisance, l'absence de maltraitance, la justice et l'équité, a déclaré le Dr Faroudja. « C'est essentiellement une demande sociétale, dont la réponse ne peut être que médicale », estime-t-il. Mais l'Ordre n'est pas là pour dire le bien ou le mal et n'entend pas sortir de ses prérogatives, laissant le soin au législateur de décider de ce qui doit être ; « nous ne sommes pas des philosophes ou des penseurs ; nous sommes là pour écouter les patients », a-t-il dit.

En termes de déontologie, l'Ordre considère qu'aucun article ne permet de refuser a priori l'accès à l'AMP à des femmes seules et couples de femmes. « En revanche, l'article 7 du code de déontologie interdit au médecin de discriminer les patients », souligne le Dr Faroudja. 
Pas besoin de clause de conscience 
Sur le plan éthique, le médecin doit respecter l'autonomie de sa patiente, c'est-à-dire reconnaître, écouter et accompagner la souffrance qui peut naître du désir d'enfant. « Pas forcément y répondre », relève l'ordinal. L'autonomie du médecin doit aussi être préservée. Celui-ci a le droit en vertu de l'article 47 du code de déontologie de refuser ses soins « pour des raisons professionnelles ou personnelles », sauf cas d'urgence. Il doit alors donner au patient des informations utiles pour la continuité des soins, a rappelé le Dr Faroudja. En revanche, pas besoin d'une clause de conscience spécifique, semblable à celle qui existe pour l'IVG, assure-t-il : « Ce serait une discrimination, on tomberait en opposition avec l'article 7. » 
L'ouverture de l'AMP à toutes les femmes ne menace pas non plus le principe de bienfaisance. Plutôt que de « droit à l'enfant », l'Ordre préfère parler de « droit d'accéder à une technique médicale ». « De quel droit, au nom de quels principes, l'Ordre des médecins dirait : non vous n'avez pas le droit ? Et est-ce à l'Ordre de dire si c'est bien ou pas pour l'enfant à naître ? » s'est interrogé le Dr Faroudja, répondant par la négative. Le principe de justice et d'équité est quant à lui déjà bafoué puisque seules les femmes qui ont les moyens peuvent partir à l'étranger pour réaliser une AMP, a-t-il ajouté. 
L'Ordre considère en revanche que la gestation pour autrui mettrait en péril ces mêmes principes éthiques. 
Pas d'opposition sur l'accès aux origines ou l'autoconservation ovocytaire
Le CNOM s'est montré également sur la retenue au sujet de la question de l'accès aux origines des enfants nés d'un don de gamètes - terme à préférer à « levée de l'anonymat », selon le Dr Faroudja. « Cela peut être utile dans le cas d'une pathologie héréditaire. Pourquoi l'Ordre s'opposerait-il si tout le monde est d'accord ? Notre rôle est de guider les médecins dans l'intérêt du patient », a-t-il répété. Sans ignorer que cet intérêt est tout sauf univoque. 
L'interdit d'une insémination post-mortem n'aurait plus de sens en cas d'évolution législative, a estimé le Dr Faroudja. « Une femme aurait droit alors à une AMP avec des gamètes X, mais non avec celle de son conjoint défunt ? »
Quant à l'autoconservation des gamètes hors indications médicales, l'Ordre « ne peut pas s'opposer à ces desiderata ». Son rôle consiste à inviter les médecins à informer les patientes des risques de la procédure (en particulier de la stimulation ovarienne) et des (faibles) taux de réussite, recadre le Dr Faroudja. 
Urgence d'attendre face à un nourrisson intersexe

Lors de son audition devant la mission d'information sur la bioéthique de l'Assemblée nationale, le Dr Jean-Marie Faroudja s'est montré particulièrement sensibilisé au sort des personnes « intersexes », dont la définition même est problématique. Ces dernières plaident pour que cessent les opérations chirurgicales à la naissance, qu'ils considèrent comme des mutilations ou des tortures.

« Sauf en cas d'urgence vitale, il faudrait attendre la majorité sexuelle de l'enfant pour avoir le consentement du moins l'assentiment de l'enfant » pour toute intervention, a défendu le Dr Faroudja, mettant en avant le rôle des équipes spécialisées, dans des centres experts.

Le Dr Faroudja a brièvement rappelé les positions de l'Ordre sur les autres sujets bioéthique : proposition d'un registre supplémentaire du don et d'un statut de donneur vivant, pour le don d'organe, absence d'opposition à la recherche sur l’embryon et les cellules souches humaines à condition d'apporter un bienfait à la société, et de respecter la clause de conscience, et prudence sur le respect du secret médical face aux évolutions de l'Intelligence artificielle. 

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