mercredi 25 juillet 2018

Aliénation parentale et DSM-5

Publié le 19/07/2018

Psychiatre et expert auprès des tribunaux, le Dr Paul Bensussan est notamment réputé pour sa connaissance approfondie d’un sujet « encore méconnu de nombreux professionnels » et « particulièrement polémique, dans un champ de sensibilité passionnel », le phénomène d’« aliénation parentale ». Qualifié auparavant de « syndrome», ce dernier terme a été écarté, car présumé trop médical, pour décrire une situation où la dimension psychologique est prioritaire. Dans une mise au point sur ce thème, Paul Bensussan cherche à dépassionner le débat et à présenter ce concept à ses confrères. Ces derniers sont parfois réticents à reconnaître la validité de l’aliénation parentale, à l’instar de Paul Fink, ancien président de l’American Psychiatric Association qui « n’a pas hésité en 2010 » à considérer ce thème comme « pseudo-scientifique, allant jusqu’à affirmer que des groupes militants pour les droits des pères s’étaient chargés de solliciter l’inscription de l’aliénation parentale dans le DSM-5. »

Cependant, rappelle Paul Bensussan, Paul Fink s’est ensuite ravisé et a reconnu l’existence de l’aliénation parentale, mais sans doute trop tard pour influencer le groupe de travail préparant la révision du DSM, car celui-ci « n’a pas jugé souhaitable que ce diagnostic y fasse son apparition en tant que tel », avec l’argument qu’on peut « retrouver le concept, sinon le diagnostic, dans d’autres parties du DSM, par exemple dans les Troubles des relations parents-enfants. » Une réticence à intégrer ce diagnostic tiendrait, tout simplement, à son nom : « le terme ‘‘aliénation’’ inquiète », explique Paul Bensussan, car il se réfère « à l’univers de la folie et de la maladie mentale, sans que l’on sache bien si cette folie concerne l’enfant ou les parents », bien qu’il ne soit à prendre que « dans son sens étymologique, ‘‘a-liéner’’ revenant à rompre le lien, rendre étranger ou hostile (un parent à un enfant). » 

Mais à défaut de reconnaître explicitement l’aliénation parentale, le DSM-5 en confirme implicitement l’esprit « dans différents chapitres » :
Parent-child relational problem (Problème relationnel parent-enfant) ;
Child affected by parental relationship distress (Enfant affecté par la détresse dans la relation entre ses parents) ;
Child psychological abuse (Sévice psychologique sur un enfant, défini comme « un acte symbolique ou un propos non accidentel, émanant du parent ou de celui qui en occupe la fonction (caregiver), pouvant avoir pour effet de causer un dommage psychologique significatif chez l’enfant ») ; 
Delusional symptoms in partner of individual with delusional disorder (Symptômes délirants chez le conjoint d’une personne souffrant de trouble délirant, la « terminologie actuelle pour désigner la classique « folie à deux ») ;
Factitious disorder imposed on another (Trouble factice imposé à autrui, la « terminologie actuelle pour désigner la symptomatologie induite par un proche, ou syndrome de Münchausen par procuration »).

Pour l’anecdote historique (mais est-ce bien un détail ?), Richard Gardner (1931–2003), le créateur du concept d’aliénation parentale faisait publier la plupart de ses ouvrages par sa propre maison d’édition (Creative Therapeutics, Inc), et non au sein de l’American Psychiatric Association, éditrice du DSM. Il est donc possible (probable ?) que cette dissonance éditoriale soit à l’origine du désaccord sur le fond pour intégrer cette entité nosographique comme un nouveau diagnostic à part entière du DSM.

Dr Alain Cohen
RÉFÉRENCE
Bensussan P : Aliénation parentale, abus psychologique de l’enfant et DSM-5. Parental alienation, child psychological abuse and DSM-5. L’Encéphale, 43 (2017) : 510–515.

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