vendredi 29 juin 2018

Violences obstétricales : le Haut Conseil à l'égalité appelle à mieux former les médecins et à leur interdire les actes sexistes et sexuels (code)

Coline Garré
| 29.06.2018


Faire la lumière sur les actes sexistes, voire les violences qui surviennent dans le suivi gynécologique et obstétrical, mieux les prévenir, et mieux les signaler et sanctionner : tels sont les trois axes que le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) met en avant dans son rapport remis à Marlène Schiappa ce 29 juin. Le document, fruit de 9 mois de travail et de 19 auditions, répond à une saisine en juillet 2017 de la secrétaire d'État chargée de l'Égalité – qui s'était attiré les foudres du corps médical en évoquant des taux d'épisiotomie à 75 % (il est en réalité de 20 % selon l'enquête périnatale 2016, avec des différences régionales allant de 0,3 % à 45 %).
 Six types d'actes sexistes
Au-delà des polémiques, le HCE identifie six types d'actes sexistes en gynécologie-obstétrique : la non-prise en compte de la gêne de la patiente liée au caractère intime de la consultation, des propos porteurs de jugements sur la sexualité, la tenue, le poids, le désir d'enfant, les injures sexistes, le non-recueil du consentement ou l'irrespect de la parole de la patiente, des actes ou refus d'actes non justifiés médicalement, et des violences sexuelles. Six pour cent des femmes se déclarent insatisfaites du suivi de leur grossesse ou de leur accouchement (50 000 femmes), et 3,4 % des plaintes déposées auprès de l'Ordre des médecins en 2016 concernent des agressions sexuelles et des viols commis par des médecins. 
« Bien que, à l'évidence, tous les professionnels de santé ne sont pas auteurs d'actes sexistes, les chiffres et les témoignages attestent d'un phénomène relativement courant dans le suivi gynécologique et obstétrical des femmes », commente Danielle Bousquet, présidente du HCE. 
Pourquoi ces dérives ? Le Haut Conseil évoque un défaut d'empathie en particulier à l'égard des femmes dans le suivi gynécologique, une formation hypertechnique des soignants, au détriment de la relation humaine et du respect du consentement, une histoire de la médecine gynécologique traversée par la volonté de contrôler le corps des femmes, l'omniprésence du sexisme dans la médecine, et l'impunité qui règne sur les actes sexistes, liée d'un côté à la méconnaissance, par les femmes, de leurs droits, et de l'autre à des procédures disciplinaires inadaptées. 
26 recommandations, 3 axes
Le HCE appelle à une prise de conscience des pouvoirs publics. Pour ce faire, un premier volet de mesures vise à mieux objectiver le phénomène, en réalisant la première enquête de santé publique dédiée au suivi gynécologique, en mesurant la satisfaction des femmes, et en rendant publiques les données, maternité par maternité, relatives aux actes médicaux lors de l'accouchement. Ces sujets devraient faire l'objet de recherches académiques financées par le public, et être pris en compte dans les démarches sur la pertinence des actes. 
Pour prévenir les actes sexistes (axe 2), le HCE préconise de renforcer la lutte contre le sexisme au sein des études de médecine, et de développer l'enseignement initial et continu des médecins et paramédicaux sur la bientraitance, le respect du consentement et le dépistage des violences sexuelles et sexistes. Il propose de reconnaître dans le code de déontologie médicale l'interdit des actes sexistes et de toute relation sexuelle initiée sur fonds d'une asymétrie du lien médecin patient.
Application des recommandations de bonnes pratiques 
Il insiste sur l'importance d'appliquer sur le terrain les recommandations de bonnes pratiques de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et de la Haute autorité de santé (HAS) sur l'accouchement, la contraception, la césarienne, et l'épisiotomie, notamment grâce à davantage de moyens humains et financiers. Et promeut une reco spécifique sur la première consultation qui intégrerait les spécificités des femmes handicapées, lesbiennes, et primo-arrivantes. Le HCE entend favoriser le dispositif des maisons de naissance si l'expérimentation des huit premières s'avère positive. 
Enfin, pour faciliter les procédures de signalements et condamner les dérives, le HCE suggère une série de mesures pour mieux informer les femmes : éducation à la sexualité, diffusion de livrets d'informations, de carnet de maternité type, généralisation de l'entretien prénatal précoce et création d'un entretien post-natal, soutien aux associations... Il se tourne aussi vers les ordres professionnels pour les inviter à former les membres des chambres disciplinaires aux violences sexistes et sexuelles, et à prévoir une procédure spécifique excluant toute médiation. Et enfin, vers les forces de l'ordre et vers les magistrats, qui devraient, eux aussi, être mieux formés.

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