mercredi 6 juin 2018

Un enfant sur 30 né d'AMP, mais seulement 5 % issus de dons de gamètes, selon l'INED

Charlène Catalifaud
| 05.06.2018


Alors que le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) rend aujourd'hui son rapport sur les États généraux de la bioéthique, une synthèse de l'Institut national d'études démographiques (INED) indique qu'en 2018 en France, un enfant sur 30 (soit 3,4 %) devrait naître grâce à l'assistance médicale à la procréation (AMP).

« Ce chiffre témoigne du succès de la technique », indique au « Quotidien » Élise de La Rochebrochard, chercheuse INED-INSERM et auteur de cette synthèse. « En revanche, en ce qui concerne l'AMP avec tiers donneur, la France a des difficultés à répondre à la demande, en particulier pour les dons d'ovocytes. »
400 000 enfants nés par FIV d'ici à la fin 2019
Depuis la naissance d'Amandine, premier « bébé-éprouvette » français, en 1981, le nombre de fécondations in vitro (FIV) augmente de façon linéaire, avec une progression de + 0,5 % tous les 7 à 8 ans. Si cette tendance continue, 400 000 enfants seront nés de FIV d'ici à la fin 2019. La FIV représente 70 % des naissances par AMP. « Le nombre d'inséminations artificielles (IA) n'a pas baissé, mais la FIV augmente avec un rythme plus soutenu », précise Élise de La Rochebrochard.
Plusieurs explications à cette augmentation. Aujourd'hui, la FIV est une technique bien acceptée, qui permet de répondre aux infertilités d'origine féminine, mais aussi masculine depuis l'arrivée de l'injection intracytoplasmique de spermatozoïde (ICSI) en 1992. Deux FIV sur trois se font désormais avec cette technique. « Auparavant, la seule option pour les infertilités masculines était le recours à l'IA avec sperme de donneur, moins acceptée par les couples, qui se tournent plutôt vers l'ICSI, même si la technique est plus lourde pour la femme », explique la chercheuse. Autre facteur : l'âge plus tardif de la parentalité. « La FIV est donc envisagée plus rapidement, car les chances de réussite diminuent après 35 ans », précise Élise de La Rochebrochard. « Une autre hypothèse s'ajoute à ces explications : une baisse potentielle de la fertilité liée aux comportements comme le tabagisme ou aux facteurs environnementaux », note-t-elle.
Par ailleurs, alors qu'au début de la FIV, le transfert de plusieurs embryons était courant, une prise de conscience des risques liés à une naissance multiple et une amélioration des techniques tendent à généraliser le transfert d'un embryon unique. Ainsi, alors que dans les années 1990, près de 130 enfants naissaient pour 100 grossesses, ce chiffre est descendu à 110 (contre 101 pour une grossesse « naturelle »).
5 millions d'enfants nés par FIV dans le monde
En France, l'AMP avec tiers donneur ne concerne que 5 % des enfants nés d'AMP : 4 % avec don de sperme et 1 % avec don d'ovocytes, le don d'embryons ne concernant que 25 à 30 naissances par an. L'AMP avec tiers donneur n'est autorisée que pour les couples hétérosexuels infertiles en âge de procréer. Un accès plus large est actuellement débattu, avec notamment l'ouverture aux couples homosexuels (femmes) et aux femmes seules.
Toutefois, la France peine à répondre aux demandes, incitant de nombreux couples à franchir les frontières. Ce qui n'est pas sans soulever certaines questions éthiques. « La France, l'Allemagne et l'Italie, trois pays avec un poids démographique important, se tournent vers quelques pays européens, mettant une pression sur ces pays dont la seule population locale ne peut suffire à fournir de manière altruiste l’activité d’AMP avec don de gamètes », estime Élise de La Rochebrochard. Les pays de destination sont l'Espagne pour le don d'ovocytes et de sperme, la Grèce et la République Tchèque pour le don d'ovocytes et le Danemark et la Belgique pour le don de sperme.
À noter que le nombre d'enfants issus d'AMP réalisée à l'étranger n'est pas connu. Une enquête démarrée cette semaine et menée par Élise de La Rochebrochard et Virginie Rozée (également chercheuse à l’INED) permettra d'en savoir plus sur l'ampleur du phénomène.
En 2013, 5 millions d'enfants ont été conçus par FIV dans le monde selon le Comité international de surveillance de l'AMP (ICMART).

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