vendredi 1 juin 2018

Directeurs et praticiens défendent la place de la psychiatrie publique dans la stratégie autisme

Les représentants de la Conférence des présidents de CME de CHS et de l'Adesm ont échangé à l'occasion de la Paris Healthcare Week sur la place de la psychiatrie publique dans la stratégie autisme et défendu le rôle de la discipline en matière de repérage, diagnostic, recherche et participation à des prises en charge innovantes et décloisonnées.
À l'occasion de la Paris Healthcare Week, la place du service public de psychiatrie dans le cadre de la stratégie nationale pour l'autisme au sein des troubles du neurodéveloppement (TND) a été interrogée, débattue et défendue. La Conférence des présidents de commission médicale d'établissement (CME) de CH spécialisés (CHS) et l'Association des établissements du service public de santé mentale (Adesm) ont en effet organisé une demi-journée d'échanges sur ce thème le 30 mai. Les établissements et services hospitaliers de psychiatrie sont "particulièrement concernés" par plusieurs thématiques de cette stratégie autisme, a souligné le Dr Christophe Schmitt, l'un des référents pour la psychiatrie infanto-juvénile au comité de pilotage de la psychiatrie (Copil) de la DGOS. Une stratégie que Claire Compagnon, rapporteur (1) des travaux, était d'ailleurs venue exposer au Copil en amont de la présentation officielle le 6 avril dernier (lire notre article).

Climat plus "apaisé" que les premiers plans Autisme

"On a été dans un climat de très grosse polémique, pour ne pas dire plus, dans les premiers plans [Autisme], avec un climat d'affrontement entre certaines, j'insiste bien "certaines", associations de parents et les professionnels de santé, en particulier les pédopsychiatres", a rappelé Christophe Schmitt. Avec comme argument récurrent, de la part des détracteurs des intervenants du monde sanitaire, une utilisation inadaptée de la psychanalyse dans les prises en charge. Alors qu'à l'heure actuelle, "dans le domaine de l'autisme, l'on peut s'interroger sur l'utilisation réelle et effective de celle-ci dans les établissements en 2018", a relevé le psychiatre — par ailleurs représentant de la conférence pour le Grand-Est et président de la CME des CHS Jury et Lorquin (Moselle). Les inspections réalisées dans les hôpitaux de jour en psychiatrie infanto-juvénile par les ARS (lire notre article) ont d'ailleurs "mis à mal ce fantasme de psychanalyse généralisée" qui avait pu être exprimé ici ou là, a-t-il estimé.

Avec cette nouvelle stratégie, "on est passé dans un climat [...] différent, plus apaisé. Les professionnels ont le sentiment d'avoir été entendus, c'est plus mesuré, plus équilibré que ce qui a pu être fait antérieurement", a-t-il commenté, d'autant que celle-ci s'inscrit dans les TND pour éviter notamment "les diagnostics tardifs et inadaptés". Il a d'ailleurs rappelé qu'il fallait se garder d'une vision monolithique de l'autisme, qui recouvre des formes plurielles et des problématiques très différentes et complexes. Le repérage et le diagnostic précoce font justement partie des domaines où la psychiatrie doit jouer son rôle, a souligné Christophe Schmitt, ainsi que dans celui de la recherche (épidémiologique, par exemple). Mais aussi dans le domaine des prises en charge, y compris en s'incluant dans de nouvelles technique plus innovantes.

Pratiques avancées, RCP pour les cas complexes

En matière de repérage et de diagnostic, les acteurs de la pédopsychiatrie ont notamment un rôle à jouer parmi les professionnels de "deuxième ligne" (la première ligne étant par exemple les généralistes et acteurs de la petite enfance) spécifiquement formés aux TND et aux troubles du spectre autistique (TSA). Ceux de "troisième ligne" sont plutôt ceux exerçant en centre ressources autisme (CRA) ou en CHU. Le repérage peut se faire dans les établissements et services médico-sociaux (ESMS) en mobilisant les CRA mais pas seulement, a appuyé Christophe Schmitt. Les CRA "ne doivent pas être la seule modalité de diagnostic". Il a évoqué des centres embolisés par l'afflux de demandes, alors que leur recours devrait être limité aux cas complexes quand certains diagnostics pourraient être posés par des médecins de "deuxième ligne". Ou encore déploré que certaines maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) n'intégraient ce diagnostic autisme qu'une fois dûment "labellisé" par un CRA.
"Les centres ressources autisme ne doivent pas être la seule modalité de diagnostic [...], certains centres sont embolisés par l'afflux de demandes."
Christophe Schmitt
Par ailleurs, la mise en œuvre de nouveaux projets peut passer par la participation des professionnels de la psychiatrie au développement de services d'accompagnement à la vie sociale (Savs), de services d'accompagnement médico-social pour adultes handicapés (Samsah), ou encore de services d'éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad, lire notre article). Mais aussi par la participation à l'essor des prises en charge ambulatoires, des soins de réhabilitation psychosociale, de l'HAD, de la télépsychiatrie, etc.

Un point important est l'intégration des TSA dans les projets territoriaux de santé mentale (PTSM) actuellement en cours de construction ou de finalisation, a-t-souligné. Les acteurs de la psychiatrie doivent aussi participer aux réflexions sur l'évolution des pratiques (pratiques avancées pour les TSA, par exemple) mais aussi à la construction de référentiels : des cahiers des charges pour les hôpitaux de jour et les réunions de concertations pluridisciplinaires pour les cas complexes ; des cadres d'action pour les centres médico-psychologiques (CMP).

Réflexion à mener sur les hospitalisations inadaptées

Autre point essentiel, la "nécessaire réflexion" sur l'évolution des unités accueillant des séjours longs en psychiatrie et les hospitalisations inadaptées. En effet, on recense trois fois plus d'hospitalisations longues (+292 jours) en psychiatrie pour les personnes avec TSA que pour les autres patients (2). L'organisation de réévaluations de patients, puis des réorientations éventuelles vers des structures médico-sociales pourraient être facilitées par la signature de conventions entre EPSM et ESMS, a estimé Christophe Schmitt. Des conventions qui prévoiraient des protocoles en cas de crise (interventions in situ dans les ESMS par équipes mobiles, réhospitalisation...).
"Dès qu'il y a des troubles du comportement graves, quel qu'en soit le motif d'ailleurs (TND, démence, alcoolisme, etc.), là tout le monde est d'accord pour que ce soit la psychiatrie qui s'en occupe."
Christophe Schmitt
Mais le transfert d'une personne vers certains ESMS peut se trouver empêché ou retardé en raison de troubles du comportement. "Et dès qu'il y a des troubles du comportement graves, quel qu'en soit le motif d'ailleurs (TND, démence, alcoolisme, etc.), là tout le monde est d'accord pour que ce soit la psychiatrie qui s'en occupe, a souligné Christophe Schmitt. La lecture du rôle de la psychiatrie (hospitalisation, traitements médicamenteux) est souvent simpliste [en cas de troubles comportementaux] et ne tient pas assez compte des ambiguïtés des attentes des parents et de la société". Pour que l'hospitalisation ne reste qu'une étape du parcours, il faut donc "donner les moyens aux parents et ESMS de prendre en compte différemment" ces troubles.

Enfin, de manière générale, les psychiatres doivent tendre à une meilleure "collaboration avec les familles" et leur fournir entre autres un accompagnement à l'annonce du diagnostic. Et "accepter un vrai dialogue" avec ces dernières, ce qui implique notamment d'accepter "un droit de regard sur les pratiques" professionnelles.
Caroline Cordier

(1) Nommée entre-temps, fin avril, à la tête de la délégation interministérielle à la stratégie autisme
(2) Source Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH), données 2015
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