mardi 15 mai 2018

Violences sexuelles et sexistes : l'Assemblée nationale se divise sur le viol sur mineur

Coline Garré



15.05.2018

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schiappa belloubet
Crédit Photo : S. Toubon

Les députés ont commencé à examiner ce lundi 14 mai le projet de loi présenté par Marlène Schiappa, secrétaire d'État à l'égalité entre les femmes et les hommes, et la garde des Sceaux Nicole Belloubet, qui vise à lutter contre les violences sexuelles et sexistes. 
Le projet comporte 80 mesures. Hier a notamment été examiné l'article Premier, qui prévoit l'allongement à 30 ans après la majorité de la victime du délai de prescription des crimes sexuels commis à l'encontre des mineurs, contre 20 actuellement. Un article (inspiré de la mission « Flavie Flament ») qui fait plutôt consensus, même si certains élus LREM ou LR plaident pour l'imprescriptibilité, tandis que d'autres, LR et Insoumis, demandent l'extension de la mesure aux majeurs.

L'abandon du seuil de consentement déçoit
L'article 2 divise beaucoup plus. Le gouvernement avait évoqué à l'automne 2017, alors que deux fillettes de 11 ans avaient été considérées comme consentantes dans deux procès différents, l'introduction d'un seuil, fixé à 15 ans, en deçà duquel on ne pouvait parler de consentement. Mais en mars 2018, le Conseil d'État avait soulevé un risque d'inconstitutionnalité. Le texte examiné s'en tient à préciser les notions de contrainte morale et de surprise constitutives d'un viol : « Lorsque les faits sont commis sur la personne d’un mineur de quinze ans, la contrainte morale ou la surprise sont caractérisées par l’abus de vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour consentir à ces actes », lit-on.
En outre, l'article aggrave, de 5 ans à 7 ans, voire 10 ans d'emprisonnement, la peine pour le délit d'atteinte sexuelle « avec pénétration », pour les cas où le viol, crime passible de 20 ans de réclusion, ne pourrait être établi.
Cet article est contesté par les associations de protection de l'enfance, qui voient dans l'abandon d'un seuil de consentement « une marche en arrière ». Par ailleurs, d'aucuns craignent une « correctionnalisation massive des viols de mineurs ». Près de 250 personnes (dont des psychiatres, pédiatres, gynécologues) ont signé une pétition demandant au président de la République de supprimer cet article 2 qui qualifie l'atteinte sexuelle avec pénétration de délit, et non de crime.
« Femmes victimes, nous n'allons pas nous satisfaire d'un "je vous ai compris" de pure communication », a dénoncé la députée France insoumise Clémentine Autain appelant au renvoi en commission d'une « loi misérable » porteuse de « quelques ajustements ». 
« Les poursuites de viols seront facilitées en précisant les notions de contrainte morale et de surprise (...) C'est uniquement quand la qualification de viol ne pourra pas être retenue » que s'appliquera la peine aggravée d'atteinte sexuelle avec pénétration, a précisé Nicole Belloubet. « Ce texte va aussi loin qu'il est possible de faire au regard des principes constitutionnels et conventionnels », a-t-elle ajouté. 
Parmi les autres mesures, le projet de loi introduit une nouvelle définition du harcèlement, pour permettre la répression du cyber-harcèlement de groupe, et créé une nouvelle infraction, l'outrage sexiste (amende de 90 à 750 euros), pour sanctionner le harcèlement de rue. Il prévoit la désignation de référents égalité femmes-hommes dans tous les lycées, et la distribution d’une mallette des parents avec des outils relatifs à l’éducation à la sexualité, aux usages d’Internet et du numérique, à la lutte contre le cyber-harcèlement et à l’exposition précoce à la pornographie. 
Sanctionner les médecins qui ne signaleraient pas des violences ?
Plus de 270 amendements ont été déposés, en séance publique. Dont celui des démocrates Nathalie Elimas et coll. qui propose de punir de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende un médecin (ou professionnel de santé) qui ne respecte pas une obligation de signalement au procureur de la République, alors qu'il a suspecté « des violences physiques, psychologiques, et sexuelles, y compris des mutilations sexuelles infligées à un mineur ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger ».
Après l'examen à l'Assemblée nationale, le texte sera soumis aux sénateurs. Une seule lecture dans chaque chambre est suffisante, le gouvernement ayant choisi pour ce projet de loi la procédure accélérée. 

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