mercredi 9 mai 2018

Mort de Naomi : Patrick Pelloux dénonce un manque de moyens dans les centres d’appels du SAMU

Le médecin urgentiste a rappelé la « flambée des difficultés » dans les SAMU de France après la prise en charge défaillante d’une jeune Strasbourgeoise, morte en décembre.

LE MONDE 

« Epouvantable ». C’est le qualificatif qu’a utilisé Patrick Pelloux, le président de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF), dans Le Parisien de mercredi 9 maipour parler de l’enregistrement de l’appel qu’a passé Naomi Musenga au service d’aide médicale urgente (SAMU) de Strasbourg le 29 décembre 2017. « On voit depuis vingt ans flamber les difficultés dans les SAMU en France », a expliqué le médecin urgentiste, qui en appelle à la ministre de la santé pour engager un travail de réflexion sur l’organisation des secours en France.


Souffrant de fortes douleurs au ventre, la jeune femme était seule quand elle a composé le « 15 » pour appeler à l’aide. Elle avait obtenu une réponse moqueuse et dédaigneuse de l’opératrice du SAMU, qui lui avait recommandé d’appeler SOS-Médecins avant de raccrocher. Au bout de cinq heures, Naomi était parvenue à joindre les urgences médicales qui avaient in fine déclenché l’intervention du SAMU. Victime d’un infarctus, elle a été emmenée à l’hôpital puis transférée en réanimation, avant de mourir quelques heures plus tard d’une « défaillance multiviscérale sur choc hémorragique », selon le rapport d’autopsie.

« Il faut une enquête judiciaire pour faire toute la lumière » sur les faits, a dit M. Pelloux. Pour l’heure, les hôpitaux universitaires de Strasbourg ont annoncé avoir diligenté une enquête administrative et la ministre de la santé, Agnès Buzyn, a demandé une enquête de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) « sur ces graves dysfonctionnements ».

« Véritables “call centers” »


Mais au-delà de l’événement tragique, cet enregistrement témoigne, selon Patrick Pelloux, des graves problèmes dont souffre l’organisation des secours en France. L’urgentiste a rappelé qu’en 1988, on comptait 8 millions de passages aux urgences chaque année, contre 21 millions aujourd’hui.

« Les appels au SAMU ont, dans le même temps, plus que triplé. En clair, un Français sur trois passe chaque année par lui mais nous n’avons pas redimensionné les centres d’appels pour répondre à l’ampleur de la demande », a-t-il détaillé, dénonçant la mise en place « inacceptable » de « véritables “call centers” ».

Et la conséquence pour les patients est directe : leur prise en charge s’est « fortement dégradée », assure le président de l’AMUF, qui a insisté sur les risques accrus de « faire une erreur, comme cela semble le cas dans l’exemple de Strasbourg ». Si l’enquête devra, selon lui, établir les fautes, M. Pelloux a également souligné qu’il faudrait déterminer depuis combien de temps l’opératrice travaillait, et le nombre d’appels qu’elle avait reçus auparavant.

« On a des soignants épuisés, stressés, en burn-out, qui deviennent détachés de la souffrance du patient », a-t-il rappelé, appelant le ministère à « recruter massivement du personnel dans les centres de régulation ».

Dans un communiqué commun, l’AMUF et SAMU urgences de France (SUDF) ont demandé mardi « un rendez-vous immédiat » avec la ministre de la santé, « pour trouver des solutions aux problèmes de régulation médicale afin qu’un tel drame ne se reproduise pas ».

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