vendredi 27 avril 2018

L'hôpital public au bord de la crise de nerfs

27.04.2018
Manque de moyens, personnel débordé, entre burn out, dépression et suicide : l’hôpital est-il en train de craquer ?
"Je pense que dans 10 à 20 ans il n'y aura plus d'hôpital" raconte Nicole Smolski, médecin réanimatrice à l’hôpital de la Croix Rousse à Lyon.
"Je pense que dans 10 à 20 ans il n'y aura plus d'hôpital" raconte Nicole Smolski, médecin réanimatrice à l’hôpital de la Croix Rousse à Lyon. Crédits : LOIC VENANCE - AFP
"L'hôpital n'est pas une marchandise. On n'est pas là pour être rentable." Ce coup de gueule, c'est celui de Sabrina, en septembre 2017 à Paris, lors de la Marche des hospitaliers. Sa colère est représentative de ce qui se passe depuis quelques années dans l'hôpital public en France. Grèves, protestations au sein des services et sur les réseaux sociaux : les personnels dénoncent un manque de moyens humains et matériels. 

"CHU Leaks" à Toulouse : une fuite de 26 000 "fiches d'incidents"

Tous les hôpitaux sont plus ou moins touchés par ce ras-le-bol. Au CHU de Toulouse, ce sont des documents internes qui attestent de nombreux dysfonctionnements. En septembre 2017, l’émission Envoyé spécial et le site d'investigation local Mediacités révèlent 26 000 fiches d'incident qui auraient dû rester confidentielles.
À chaque fois qu'un problème survient dans le service d'un établissement hospitalier, un soignant peut remplir une fiche pour le signaler à sa hiérarchie. Beaucoup des petites pannes quotidiennes de matériel figurent dans ces fiches. Mais certaines rapportent des incidents graves. "Sur l'ensemble de ces documents, il y en a plus de 1 000 qui signalent des problèmes de conditions de travail, de manque d'effectifs, observe Sylvain Morvan, rédacteur en chef de Mediacités. Selon les cas, ces problèmes mettent en danger la vie des patients."
Cette fuite massive de 26 000 fiches d’incident représente trois ans et demi de la vie de l'hôpital, de septembre 2013 à mars 2017. Elles sont systématiquement transmises à la direction, qui parfois répond et tente de trouver une solution. "70 % de ces fiches sont remplies par un service entier ou de façon anonyme", regrette Anne Ferrer, directrice par intérim du CHU de Toulouse. On ne peut pas répondre concrètement à quelqu'un si la démarche n'est pas nominative."

"9 heures après son hémorragie cérébrale, elle n'a toujours pas passé de scanner"

Le but de ces fiches est de signaler un dysfonctionnement. Mais à travers elles, c'est parfois l'exaspération qui transparait. Une infirmière en gynécologie se retrouve un jour seule avec une aide-soignante à devoir s'occuper de 14 patientes. Elle écrit que "l’équipe est épuisée physiquement et moralement", et parle de "sentiment de travail mal fait et mise en danger la vie des patients".
Autre exemple révélé par Mediacités : le 5 août 2016, un jeune médecin doit faire passer un scanner à une patiente dans un état critique, avec une suspicion d'hémorragie cérébrale. Mais il n’y a personne pour la transporter sur les lieux du scanner, qu'elle effectue finalement après 9 heures d'attente. La patiente décède trois jours plus tard.

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