mercredi 18 avril 2018

«La nature n’est pas si bienveillante»

Par Emmanuèle Peyret — 


Photo Emmanuel Pierrot

Gerhard Ebelt, de l’Institut Pasteur, prend les bactéries avec des pincettes et défend une hygiène raisonnée.

Le livre d’Axe sous le bras, on a couru à l’Institut Pasteur, pour se faire analyser et commenter le contenu. Bilan amusé, mais pas négatif du tout, de Gerhard Ebelt, directeur du département d’immunologie et de l’unité de recherche micro-environnement et immunité.
Que pensez-vous de l’approche de Josh Axe ?
Il a à la fois raison et tort. Raison, parce que les microbes sont vecteurs de bonnes choses, mais pas toujours, il y a un risque. En gros, on peut dire qu’il y a une balance. D’un côté c’est bien de se laver pour se protéger des maladies infectieuses. De l’autre, si on se lave trop, on perd contact avec les bons microbes. Alors rouler le bébé dans le métro, bof, il y a peut-être des microbes mauvais comme celui de la rougeole ou la grippe.
En revanche s’auto-vacciner avec les griffures du chat ou les microbes du chien, pourquoi pas. Mais je suis assez d’accord avec le fond. Par exemple, entre les tétines tombées par terre et stérilisées et celles remâchouillées par les mères, le risque d’allergie est plus grand chez les bébés surprotégés.
La perception du danger des maladies a-t-elle changé au fil des siècles ?
Oui forcément. Je dirais qu’il y a 2000 ans, on pensait que les dieux s’offensaient et paf, on avait des épidémies. Donc les maladies venaient d’en haut. Puis Hippocrate est arrivé, a dit que c’était n’importe quoi, qu’il fallait parler d’équilibre des humeurs, donc les maladies venaient de l’intérieur et qu’il fallait donc soigner ses humeurs. Puis la source de l’idée de l’hygiène, c’est que les maladies viennent de l’extérieur : il faut tuer les microbes, nettoyer les instruments… L’extérieur est vecteur de maladies, et on peut s’en prémunir. Voilà Pasteur, les vaccins, les antibiotiques, l’hygiène, qui a sauvé des millions de vies. D’ailleurs, la vaccination a pris tout de suite grâce à son efficacité.
Et aujourd’hui ?
On est un peu dans l’idée que si on était en harmonie avec la nature tout irait très bien. Mais enfin, pour la survie en forêt, avec les moustiques vecteurs de malaria ou l’eau qui refile le choléra, il faut bien se dire que la nature n’est pas si bienveillante. L’harmonie, cela va avec la balance : trop d’hygiène, on fait grimper les maladies et les allergies ; pas assez, on fait grimper le risque infectieux. Et les microbes sont importants surtout au début de la vie, pour éviter les asthmes, les allergies, etc. En cela, Josh Axe n’a pas tort de remettre l’hygiène à sa place.

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