mardi 10 avril 2018

Deux fois plus de morts par suicide et trois fois par accident chez les épileptiques

09.04.2018



épilepsie
Une étude menée en Angleterre et au Pays de Galles, et publiée dans le « JAMA Neurology », quantifie le surrisque de mortalité par suicide et accident chez les personnes atteintes d’épilepsie.
Même si ce risque reste faible (0,3-0,5 %), le risque de décès par suicide est doublé chez les épileptiques, celui de décès par accident triplé, celui de décès par empoisonnement médicamenteux accidentel quintuplé et celui de suicide par médicament multiplié par 3,5.

Pour parvenir à ces résultats, les auteurs ont utilisé deux bases de données, l’une en Angleterre (entre 1998 et 2014), comparant 44 678 personnes épileptiques à 891 429 personnes témoins ; l’autre au Pays de Galles (entre 2001 et 2014), comparant 14 051 épileptiques à 279 365 témoins. Dans ces deux bases de données, 51 % des sujets étaient des hommes. Dans la base de données anglaise, l’âge moyen d’entrée dans l’étude était de 40 ans, et de 43 ans dans la base de données galloise. La durée médiane de suivi était de 4 ans pour les épileptiques et 5,1 ans pour les témoins dans la base anglaise ; et de 6,9 ans et 7,7 ans dans la base galloise, pour les épileptiques et les témoins respectivement.
Et la mortalité était de 14,7 % et 15,3 % pour les épileptiques dans les bases respectivement anglaise et galloise, alors qu’elle était de 7,1 % et 8,3 % pour les témoins, dans ces mêmes bases. Soit un risque de mortalité non naturelle multiplié par 2,77 pour les épileptiques. Plus précisément, il est multiplié par 2,97 pour les accidents (qui représentent la majorité des décès non naturels) et par 2,15 pour les suicides.
Psychotropes et opiacés, causes d'empoisonnements
En considérant les deux bases de données, les auteurs notent que 22,8 % des morts non naturelles sont dues à des empoisonnements médicamenteux chez les épileptiques, contre 11,2 % chez les témoins. Ce sont d’abord les opiacés (à 56,5 %) puis les psychotropes (à 32,3 %), loin devant les antiépileptiques (9,7 %) qui sont cause des empoisonnements par médicaments chez les épileptiques. Dans la population témoin, ces chiffres sont respectivement de 47,3 %, 36,7 % et 2,5 %.
Les auteurs signalent aussi que les comorbidités psychiatriques (abus d’alcool, anxiété, troubles bipolaires, dépression, troubles de l'alimentation, migraine, troubles de la personnalité, schizophrénie, abus de substance, automutilation) touchent bien davantage les épileptiques que les témoins. Or, ces troubles sont associés par eux-mêmes à une augmentation des suicides et accidents.
Prévenir patients et médecins
Pour les auteurs, « il est important que les épileptiques soient alertés sur ces risques afin qu’ils prennent des mesures pour prévenir les accidents », quant aux cliniciens, ils doivent avoir en tête le surrisque de suicide pour évaluer « pensées suicidaires et comportement ». Enfin, les auteurs conseillent aussi aux médecins « d’évaluer la toxicité et la pertinence des médicaments prescrits pour des comorbidités aux épileptiques. »
Un éditorial associé, dans le même numéro du « JAMA Neurology », rappelle que la mortalité prématurée des épileptiques est connue depuis 150 ans. Pourtant, les nouveaux résultats de cette étude « présentent paradoxalement une opportunité pour réduire la mortalité dans un futur proche car des méthodes de prévention existent », insistent les auteurs, qui se demandent « comment réduire la mortalité dans l’épilepsie ? »« Certaines réponses semblent simples : réduire ou stopper les crises (permettrait de) réduire les morts soudaines inattendues par épilepsie (SUDEP), les blessures non intentionnelles, les noyades, les brûlures et autres causes de décès », indiquent-ils. « Mais ce n’est pas toujours facile à mettre en pratique, surtout pour les personnes en marge de la société » (accès limité aux traitements, troubles de la mémoire, désocialisation…). Les auteurs de l’éditorial insistent particulièrement sur les comorbidités psychiatriques dont peuvent souffrir les épileptiques et rappellent que « les patients ne sont pas leurs troubles (dépression, addiction) et ils ne sont pas "coupables" de mauvaises décisions (chômage ou abus d’opiacés) ».

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