vendredi 9 mars 2018

Une étude française alerte sur l'utilisation détournée du méthylphénidate (Ritaline) chez l'adulte

Charlène Catalifaud
| 07.03.2018
Les adultes d'âge moyen auraient un usage détourné du méthylphénidate (Ritaline, etc.), suggère une étude pharmaco-épidémiologique publiée dans le « The British Journal of Clinical Pharmacology ».
« Ce qui fait l'originalité de notre travail, c'est une caractérisation plus précise de la population adulte », indique au « Quotidien » le Pr Joëlle Micallef, une des auteurs de l'étude, directrice du centre d'évaluation et d'information sur la pharmacodépendance-addictovigilance (CEIP-A) PACA-Corse du service de pharmacologie de Marseille.

Pour analyser l'utilisation de ce traitement indiqué dans les troubles du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) et la narcolepsie, 3 534 nouveaux utilisateurs de ce médicament ont été inclus, à partir des données de l'Assurance maladie des régions Provence-Alpes-Côte-d'Azur et Corse, entre juillet 2010 et juin 2013. Ils ont été analysés par tranche d'âge : 0-6 ans, 6-11 ans, 12-17 ans, 18-24 ans, 25-49 ans et plus de 50 ans.
« Une explosion de la consommation chez les adultes »
Le taux de nouveaux utilisateurs a augmenté de 7 % entre 2011 et 2013, passant de 27 à 29/100 000 habitants. Les nouveaux utilisateurs sont à 34 % des adultes « Nous avons constaté une explosion de la consommation chez les adultes, alors que la prescription de méthylphénidate concerne surtout les enfants et une faible proportion d'adultes », s'étonne le Pr Micallef.
En effet, le méthylphénidate est indiqué chez les enfants de plus de 6 ans pour les TDAH et la narcolepsie. Pour les adultes, le méthylphénidate peut être indiqué dans le cadre de la poursuite d'un traitement du TDAH mis en place durant l'enfance et est indiqué pour traiter la narcolepsie, mais seulement après échec du modafinil.
Pourtant, du modafinil a été prescrit dans les 6 mois précédant l'initiation du méthylphénidate chez seulement 3 % des 18-24 ans, 2 % des 25-49 ans et 12 % des plus de 50 ans. Le Pr Micallef ajoute que « la proportion de patients consommant du méthylphénidate dans la continuité d'un traitement mis en place durant l'enfance n'est pas compatible avec l'AMM de la Ritaline qui date de 1995 ».
Par ailleurs, alors que chez les enfants, le méthylphénidate concerne majoritairement les garçons (2 pour 1), les femmes adultes sont autant exposées que les hommes.
Un usage détourné chez les 25-49 ans
Ces constations sont révélatrices de détournements d'usage du méthylphénidate, en particulier chez les 25-49 ans. Le Pr Micallef explique que « le méthylphénidate est proche chimiquement des amphétamines. Son potentiel d’abus est bien connu ».
Mais comment expliquer que ces traitements soient autant prescrits ? « Les patients ont recours à plusieurs prescripteurs simultanément, sans que ces derniers soient au courant. Le médecin généraliste est autorisé à renouveler le traitement, mais pas à l'initier, car le diagnostic relève d'un spécialiste. Il peut ainsi renouveler sans avoir connaissance que le patient est allé voir un autre médecin », avance le Pr Micallef.
Cette étude soulève un autre problème : la prescription de méthylphénidate à des enfants de moins de 6 ans, hors indication. « Ce phénomène est à surveiller également, car l'utilisation de ce type de traitement sur le cerveau encore non mature de jeunes enfants n'est pas sans poser question », s'inquiète l'auteure.
Médecins et pharmaciens : un rôle en addictovigilance à jouer
Elle précise : « l'idée n'est pas de stigmatiser le méthylphénidate, médicament qui a révolutionné la prise en charge des enfants TDAH, mais d'en appeler à la vigilance de tous. Les professionnels de santé, médecins mais aussi pharmaciens, ont ici un rôle essentiel à jouer en addictovigilance ».

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