lundi 19 mars 2018

L’accueil des migrants  ne présente aucun risque sanitaire

Une étude bavaroise de grande ampleur montre que les demandeurs d’asile n’exposent pas la population locale aux maladies graves comme le sida ou l’hépatite B.

LE MONDE  | Par 

Face à la détresse d’hommes et de femmes fuyant un pays en guerre, l’Allemagne a ouvert les bras. En 2015, le pays aaccueilli plus de 1 million de ­demandeurs d’asile – Syriens, Afghans et Irakiens pour les deux tiers. Un suivi sanitaire des réfugiés a été effectué dans le ­cadre de la loi sur la procédure d’asile : par le diagnostic précoce d’éventuels cas d’infection grave, les autorités sanitaires allemandes voulaient être sûres de pouvoir ­juguler toute épidémie naissante.


Afin de déterminer si les populations migrantes représentaient un risque sanitaire accru pour les résidents locaux, des chercheurs du LGL, l’office bavarois pour la santé et la sécurité alimentaire, se sont intéressés à la prévalence des ­maladies infectieuses graves chez les migrants. Pour mener à bien leur étude, publiée le 8 mars dans la ­revue Eurosurveillance, ils ont travaillé à partir de données engrangées en Bavière : ce Land, qui a ­accueilli le plus grand nombre de demandeurs d’asile en 2015, après la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, constitue en effet une ressource importante en ce qui concerne les données épidémiologiques.

Evaluer l’état de santé

Concrètement, dans les trois jours suivant leur arrivée sur le sol bavarois, les réfugiés passaient entre les mains d’un médecin qui avait pour mission d’évaluer leur état de santé général et de déterminer s’ils présentaient des symptômes de maladie infectieuse. En parallèle, ils étaient soumis à plusieurs examens médicaux : un dosage sanguin pour le dépistage du virus du sida (VIH) et celui de l’hépatite B, une radiographie des poumons et un test biologique pour celui de la tuberculose, et une analyse des ­selles pour les infections bactériennes (salmonelles et shigelles).

Premier constat : sur les 95 117 réfugiés testés pour le VIH cette année-là, seuls 318 étaient séropositifs, soit 0,3 %. Ce taux se révèle être assez proche de celui de la population générale allemande : en 2015, le nombre de cas était estimé à 85 000, soit une prévalence légèrement supérieure à 0,1 %. A titre de comparaison, en France, environ 6 000 nouveaux cas sont découverts chaque année et la prévalence chez les 15-49 ans était, en 2016, de 0,4 %.
Pour l’hépatite B, même bilan. La part de réfugiés souffrant de cette infection était faible : 3,3 %. Les ­contaminations bactériennes étaient, elles, négligeables : seuls quarante-sept réfugiés étaient porteurs de salmonelles, et aucun n’était touché par des shigelles.

« Il règne une certaine hystérie autour du fait que ces personnes viendraient ici et amèneraient avec eux des maladies infectieuses », constate Stefanie Sammet, infectiologue au CHU de Munich et ­médecin volontaire pour l’association Ärzte der Welt, la branche allemande de Médecins du monde. Mais, dans les faits, cette docteure, qui travaille depuis 2015 auprès de réfugiés en région bavaroise, n’a rencontré que « très peu de cas de maladie infectieuse grave » chez ces personnes. « Ceux qui parviennent à arriver vivants jusqu’en Allemagne – en dépit d’un voyage long et difficile – sont rarement gravement malades », estime-t-elle.

Infectés après leur arrivée


Pour Julie Pannetier, chercheuse au Centre Population et développement (université Paris-Descartes, Institut de recherche pour le développement), le constat est le même. Dans le cadre de ses recherches sur l’état de santé des ­migrants originaires d’Afrique subsaharienne, elle a observé que la moitié de ceux vivant avec le VIH avaient été infectés après leur arrivée en France. En cause, une grande précarité administrative, économique et résidentielle. En clair, « la santé de ces populations se dégrade en raison des mauvaises conditions de vie dans la société d’accueil », explique-t-elle.

Les chercheurs s’inquiètent néanmoins d’une situation qui pourrait devenir préoccupante : les infections par le bacille de la tuberculose. En 2015, 365 cas ont été ­dépistés parmi les réfugiés de ­Bavière, soit un tiers de l’ensemble des cas de tuberculose notifiés cette année-là dans le Land. Or, l’année précédente, les réfugiés n’y contribuaient qu’à hauteur de 8 %.

Mais, pour Philippe Fraisse, pneumologue au CHU de Strasbourg et coordinateur du réseau national des centres de lutte antituberculeuse, cela ne doit pas constituer un sujet de crainte. « Notre système de prévention et de dépistage peut absorber ces cas de tuberculose, assure-t-il. Il faut ­considérer cela comme un sujet de vigilance : face à cette ­maladie, il faut savoir quels sont les besoins et adapter les moyens en conséquence… car, quand on se donne les moyens, l’incidence diminue. »

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