vendredi 23 mars 2018

Danser contre la maladie de Parkinson

Ils sont une quinzaine à venir tous les mardis, durant deux heures, pour danser dans une salle de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Une séance prescrite par leur neurologue.

LE MONDE | Par 

Dix mille pas et plus. « C’est mon oxygène » : c’est ainsi que Gérard qualifie le cours de danse de ce mardi 6 mars. Il ne raterait une séance pour rien au monde. Et pour cause : « On arrive à effacer ses handicaps. » Depuis octobre 2017, ils sont une quinzaine à venir tous les mardis, durant deux heures, dans une salle de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière pour… danser. Ce jour-là, 14 hommes et femmes, à parité, atteints de la maladie de Parkinson. Cette ­maladie du cerveau touche environ 200 000 personnes en France. Ses effets varient beaucoup d’un ­malade à l’autre : raideur, lenteur des mouvements, tremblements, problèmes d’équilibre… et souvent une grande fatigue. Si elle ne se guérit pas, des médicaments peuvent atténuer les symptômes, et une chose est sûre : bouger est nécessaire.
L’idée est venue d’Arlette Welaratne, attachée de ­recherche clinique, qui fait elle-même de la danse, et du neurologue à la Pitié-Salpêtrière (AP-HP) Emmanuel Flamand-Roze, convaincu des bienfaits de l’activité physique dans les maladies neurologiques. A chaque cours, Arlette Welaratne est présente, ce qui rassure les patients.


La technique est celle de l’expression primitive, ­basée sur le rythme, les mouvements simples, répétitifs, et la voix exprimée par les danseurs. Car « la ­parole est souvent perturbée par cette maladie », dit Svetlana Panova, danse-thérapeute et danseuse professionnelle, élève de France Schott-Billmann, une des pionnières de la danse-thérapie.

La séance démarre par un temps calme, pour retrouver son souffle, chasser les tensions… Au début, les ­regards sont un peu flottants, certains s’endorment… Puis c’est parti pour un voyage, les danseurs se lèvent, emmenés par la musique. Des mouvements lents puis rapides miment tantôt la colère, la joie, l’étonnement, en lançant des « oh » puis des « ah ». Au fil des pas, les visages s’ouvrent, laissent place aux sourires. Après un tango, place aux suites de Bach revisitées par des percussions et chants africains.

Retrouver du bien-être


Rien n’est laissé au hasard. « La danse leur permet de retrouver du bien-être, le plaisir de se mouvoir, de bouger leur corps, de s’en libérer. Elle leur donne confiance en eux-mêmes et dans les autres », souligne Svetlana Panova. Chaque cours est différent et s’inspire du ­caractère collectif et festif des danses traditionnelles.

« Ici on respecte les gens, explique Bernadette, ­diagnostiquée il y a dix ans. « Ça apaise, et on est bien plus souple en sortant », assure Maïté. Pour ­Catherine, « moralement, ça fait du bien, ça dénoue les nœuds ». Denis raconte comment ces séances peuvent améliorer certains gestes du quotidien ­devenus difficiles, comme faire la vaisselle. Ils sont unanimes : plus ils bougent, mieux ils se sentent, malgré les douleurs et les blocages du corps, parfois sournois. Et cela permet de sortir de l’isolement. Jean-Pierre, parkinsonien depuis vingt ans, opéré il y a un an et demi, neuro-stimulé, est venu ce jour-là danser avec son épouse.
« Les patients progressent en endurance, en aisance, en équilibre », constate Arlette Welaratne, qui coordonne des programmes d’éducation thérapeutique. Pour elle, « l’idéal serait d’avoir des cours un peu partout en France ». L’association France ­Parkinson en propose dans les grandes villes, mais ce n’est pas suffisant.

« Des études ont décrit les effets bénéfiques de la danse sur la maladie », rappelle Emmanuel Flamand-Roze, mais il faudrait en mesurer les effets sur plusieurs années. En tout cas, ce neurologue délivre à ses patients une ordonnance d’une séance de danse par semaine. Une prescription qui incite les malades à devenir acteurs de leur propre traitement.

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