mardi 27 mars 2018

« Bonjour » : un petit mot qui en dit long

| 27.03.2018


Des chercheurs du CNRS, de l'ENS et d'Aix-Marseille Université ont mis au point une technique permettant de déterminer avec quelle représentation mentale nous percevons une personne à partir d'un mot simple comme « bonjour ». Cette méthode est décrite dans les « PNAS ».
« Nous avons associé deux technologies : une déjà connue, le vocodeur de phase qui permet de manipuler les caractéristiques de la voix, et une nouvelle méthode d'analyse de corrélation inverse, afin d'analyser la perception des traits sociaux dans la voix », indique au « Quotidien » Emmanuel Ponsot, premier auteur de l'étude et chercheur ENS.

Des milliers de variantes d'intonations générées
Avec ce logiciel, appelé CLEESE et disponible en ligne, et à partir de quelques enregistrements du mot « bonjour », les chercheurs ont pu générer aléatoirement des milliers de nouveaux enregistrements du même énoncé avec des prononciations et intonations différentes. « Grâce à ce très grand nombre de sons, nous avons pu mettre en évidence les représentations mentales de traits sociaux dans la voix chez des auditeurs sains », explique le chercheur.
Deux traits sociaux, représentatifs, ont été étudiés : la détermination/dominance et le fait d'être digne de confiance. Les participants ont dû comparer deux intonations différentes et choisir entre ces deux traits. Ils ont réalisé cette tâche des milliers de fois. Ceci a permis aux chercheurs de caractériser l'intonation associée à chaque trait. Ainsi, l'intonation du « bonjour » d'une personne digne de confiance (écouter le son) monte à la fin du mot, alors que celle d'une personne dominante/déterminée a une intonation descendante sur la deuxième syllabe.
Aucune différence de perception entre hommes et femmes
« Ce qui est intéressant, c'est que nous avons pu démontrer statistiquement que les représentations sont les mêmes chez les hommes et les femmes. De plus, les deux sexes perçoivent les mêmes traits dans une voix d'homme et une voix de femme », ajoute Emmanuel Ponsot. Ces résultats mettent ainsi en évidence un « code » qui permet aux auditeurs de déduire des traits sociaux indépendamment des caractéristiques physiques des locuteurs.
Une étude préliminaire a préalablement permis de valider le concept, avec le mot « vraiment ». Les participants devaient choisir, à l'écoute d'une centaine de paires d'enregistrements différents (vraiment/vraiment ?) entre le mode déclaratif et le mode interrogatif.
Application clinique chez les patients victimes d'AVC
L'intérêt clinique de cette technique n'a pas encore été évalué, mais les chercheurs estiment qu'elles pourraient notamment être utile pour des personnes ayant eu un AVC ou atteints d'autisme ou de schizophrénie.
Un essai a démarré récemment à la Pitié-Salpêtrière (Paris) : « avec des collègues orthophonistes, nous utilisons cette méthodologie avec des patients ayant eu un AVC et qui ont des problèmes pour décoder l'intonation dans la voix. Nous les testons en leur demandant de choisir entre voix interrogative ou non, afin de voir si au cours des semaines la représentation mentale se rapproche petit à petit de celle d'une personne saine », raconte Emmanuel Ponsot.
Reste à savoir également si les mêmes résultats seraient obtenus dans d'autres langues. « Des équipes travaillent sur ces comparaisons interculturelles, qui semblent montrer des similitudes assez fortes », conclut le chercheur.

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