mercredi 14 février 2018

Qu'est-ce que l'effet placebo et comment l'expliquer scientifiquement ?

Par Armance Gelaude — 

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Photo Philippe Huguen. AFP

Des études de l’activité du cerveau ont démontré que la prise de placebo entraînait une diminution de l’activité cérébrale des régions impliquées dans la sensibilité à la douleur.

Le mot placebo vient du latin pour «je plairai» et est défini en 1811 dans le Quincy’s Lexicon-Medicum comme étant «un traitement donné plus pour plaire au patient que pour le guérir». C’est donc un produit qui n’a normalement aucun effet sur le corps ou tout du moins n’a pas d’effet sur les symptômes contre lesquels il est administré. L’administration d’un placebo ne donne donc, en théorie, aucun résultat.

L’effet placebo trouve une définition dans le livre de Patrick Lemoine, psychiatre et docteur en neurosciences, le Mystère du placebo. Il s’agit d’un «effet thérapeutique obtenu par l’administration de comprimés, de liquides, d’injections et toutes procédures qui n’ont pas d’effet spécifique sur la maladie à traiter».

Pour illustrer au mieux ce qu’est l’effet placebo, citons l’histoire de Henry K. Beecher, un anesthésiste durant la Seconde Guerre mondiale, rapportée dans la thèse de David Goslin consacrée au sujet. Puisque le stock d’anti-douleurs du médecin diminuait drastiquement, il se mit à injecter à ses patients une solution saline, normalement sans effet, tout en leur mentant sur le contenu de la seringue. Il remarqua alors que les patients ayant reçu des injections de solution saline se sentaient eux aussi soulagés et se plaignaient moins de leurs douleurs (1).

Un mélange d’effets psychologiques et biologiques


L’effet placebo correspond donc à la survenue d’une influence d’un placebo sur un symptôme réel : baisse de la douleur, baisse de la fièvre, de l’anxiété, etc. On a même découvert que des médicaments, à l’efficacité réelle, pouvaient voir une part de leur efficacité attribuée à un effet placebo.

La place et l’importance de l’effet placebo dans la prise médicamenteuse sont aujourd’hui au cœur d’un certain nombre de débats dans le monde scientifique. Comment l’expliquer scientifiquement ?

C’est, en réalité, un mélange d’effets psychologiques et biologiques. Nous sommes des êtres bio-psycho-socio, c’est-à-dire que nous ne sommes pas qu’un corps, nous avons aussi un esprit. Et aucun acte médical n’est uniquement biologique. Notre relation aux autres va venir influer notre expérience. C’est notamment cela qui permet à l’effet placebo d’exister.

L’effet placebo est une affaire de conditionnement. Par exemple, une personne étant très souvent sujette à des migraines et se soignant avec de l’aspirine va finir par associer la forme, la couleur et le goût d’un cachet d’aspirine à une baisse de ses douleurs migraineuses. Ainsi, si on donne à cette personne un placebo en tout point semblable à l’aspirine mais sans principe actif, il est probable que la personne ressente tout de même une amélioration de sa condition physique.

Une forte part d’autosuggestion


L’apprentissage social a aussi une grande importance dans ce conditionnement. Par le biais des cours et de la publicité par exemple, on intègre les effets bénéfiques des médicaments (7).
L’effet placebo est aussi lié au contexte. De nombreux facteurs entrent alors en compte : l’aspect physique du médecin, le lieu où est faite la prescription, la manière dont est délivré le médicament, l’attente que l’on a par rapport aux effets du médicament, le prix du produit… Il existe aussi une forte part d’autosuggestion (1) (2).

On remarque cependant que l’effet placebo ne marche pas sur tout le monde et que, pour un même placebo, l’effet sera plus ou moins puissant en fonction des personnes l’utilisant. Cela pourrait s’expliquer en partie par la sensibilité des personnes aux informations extérieures. Mais une équipe de recherche de Harvard aurait découvert une incidence génétique en 2015. Plusieurs gènes prédisposeraient notre sensibilité au placebo. Les chercheurs parlent ici de «Placebome» (8).

Une véritable activation du cerveau


Il est par ailleurs possible d’observer une véritable réponse de notre corps à la prise d’un placebo. Et plus précisément au niveau de notre cerveau. Ce phénomène a majoritairement été étudié dans le cadre de la réponse à la douleur.
En réponse à la prise d’un placebo dans le cadre d’une douleur, on peut observer la libération par le cerveau de deux neurotransmetteurs : l’endorphine et la dopamine (5). Ces deux neurotransmetteurs jouent un rôle dans notre réponse à la douleur en entraînant un effet analgésique et une sensation de bien-être et de bonheur.

Des études de l’activité des régions du cerveau en IRM ont démontré que la prise de placebo dans un but analgésique entraînait une diminution de l’activité cérébrale des régions impliquées dans la sensibilité à la douleur (2), (3), (4).

(1) L’effet placebo : les travaux de F. Benedetti, implications pour la relation patient-acteur de santé ; David Goslin 2017
(2) Etude des freins à l’enseignement de l’effet placebo aux internes de médecine générale lors des stages ambulatoires Virginie Ardito, Lise Querrioux 2011
(3) Méconnaissance des effets placebo et Hawthorne : nécessaire ? Jean-Marie Berthelot 2016
(4) Wager TD, Atlas LY. The neuroscience of placebo effects: connecting context, learning and health. Nat Rev Neurosci. 2015 Jul;16(7):403-18. doi: 10.1038/nrn3976. Review. PubMed PMID: 26087681.
(5) Wager TD, Rilling JK, Smith EE, Sokolik A, Casey KL, Davidson RJ, Kosslyn SM,  Rose RM, Cohen JD. Placebo-induced changes in FMRI in the anticipation and experience of pain. Science. 2004 Feb 20;303(5661):1162-7. PubMed PMID: 14976306.
(6) Effet placebo analgésique: apport des neurosciences, C. Berna et al. 2011
(7) Colloca L. et Benedetti F. Placebo analgesia induced by social observationnal learning, Pain. 2009.

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