vendredi 9 février 2018

En Syrie, l’impuissance des secouristes et des médecins sous les raids dans la Ghouta

Par AFP — 

Enfant blessé dans un hôpital de fortune après des frappes du régime sur la ville rebelle de Douma, près de Damas, le 7 février 2018
Enfant blessé dans un hôpital de fortune après des 
frappes du régime sur la ville rebelle de Douma, 
près de Damas, le 7 février 2018 
Photo Hamza Al-Ajweh. AFP


«On n’y arrive pas», lâche Abou Mohamed Omar. Après chaque bombardement, le temps est compté pour les secouristes de la Ghouta orientale qui tentent tant bien que mal de retrouver des survivants sous les décombres, avant le retour des avions de l’armée de l’air syrienne.
Plus de 145 civils, dont des femmes et des enfants, ont été tués dans les bombardements du régime qui s’acharne depuis le début de la semaine sur cette enclave rebelle assiégée aux portes de Damas.

Chaque jour, ce sont les mêmes scènes de désolation qui se répètent.
Dans les hôpitaux, des corps enveloppés dans des linceuls sont alignés sur un sol taché de sang, pendant que des enfants attendent de se faire soigner.
Le long des rues jonchées de gravats, des immeubles résidentiels de cinq, six étages, éventrés, se sont effondrés sur leurs habitants.
Secouristes et habitants escaladent les gravats et évacuent des corps ensanglantés, au milieu d’un épais nuage de poussière grise.
Devant un immeuble en ruines de Douma, la grande ville de la Ghouta, Abou Raad est en larmes: il a perdu une fille dans un raid, la seconde est portée disparue.
«Je ne trouve pas ma fille, qu’est ce que je fais ?», lance le père. Les secouristes cherchent dans les décombres.
- «Sous les décombres» -
«L’ampleur des dégâts est énorme, chaque minute compte», résume Abou Mohamed Omar, un membre des Casques blancs, la défense civile en territoire rebelle.
Dans la Ghouta, soumise à un siège asphyxiant du régime depuis 2013, les équipes de secours manquent de bulldozers et de carburant pour mener à bien leurs opérations, explique le jeune homme de 23 ans.
«Si on avait plus de machines et d’équipements, on pourrait sauver davantage de vies», poursuit-t-il.
La voix nouée par l’émotion, il raconte une intervention particulièrement douloureuse dans la nuit de mardi à mercredi: «Un immeuble de cinq étages est tombé sur ses habitants. Il y avait quelqu’un sous les décombres (...) on a essayé, mais on n’a pas réussi à le faire sortir».
Son équipe a dû s’interrompre à cause des tirs, mais «cette personne, on ne va pas la laisser sous les décombres. Même si elle est morte, nous allons la rendre à sa famille», promet-il.
La Ghouta orientale vit déjà un quotidien infernal: la population souffre de pénuries de nourritures et de médicaments, et connait des cas de malnutrition qui menacent particulièrement les enfants.
Et depuis lundi, les avions de l’armée syrienne bombardent sans discontinuer ce périmètre assiégé d’une centaine de km².
Quand les avions arrivent les rues se vident, raconte Abou Samer, ambulancier dans la localité de Hammouriyé qui déplore lui aussi les pénuries d’essence qui l’empêchent de faire son travail.
«La difficulté, c’est le manque de carburant. Sans ça, je pourrais aller sur n’importe quel site touché par une frappe», explique le quadragénaire.
- «Ce n’est pas croyable» -
Pour les médecins, la tâche est titanesque. L’afflux des blessés se poursuit sans discontinuer dans les hôpitaux.
«La situation est catastrophique», lâche Oussama, un urgentiste qui a dû avec ses collègues soigner plus d’une centaine de blessés en l’espace d’une heure mardi. «Jusqu’à quand nous allons pouvoir supporter, Dieu seul le sait».
Mercredi encore, les blessés sont arrivés par dizaines dans les hôpitaux: «Cela fait trois jours maintenant que les frappes se sont intensifiées, ce n’est pas croyable», confie de son côté l’infirmier Rabih Ahmed.
«On a dix morts, plus de 70 blessés, certains sont en salle d’opération, leur état est critique», explique-t-il, faisant le point à la mi-journée. En temps normal, l’établissement reçoit entre 50 à 60 blessés par jour.
Pour le personnel hospitalier, la tache est aussi éprouvante sur le plan émotionnel.
Le jeune infirmier de 25 ans a craqué, en soignant un petit garçon dont le pied a été partiellement sectionné par un bombardement, rendant inévitable une amputation.
Il raconte que le petit garçon de six ans lui embrassait la main, le suppliant de sauver son pied: «Je suis parti et je me suis mis à pleurer. Je ne savais pas quoi faire. Il m’a brisé le cœur».

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