vendredi 9 février 2018

Approche ludique, pédagogie, calcul mental... les mesures pour donner le goût des maths

Des experts, dont le mathématicien Cédric Villani, doivent remettre un rapport au ministère de l’éducation nationale le 12 février.

LE MONDE  | Par 


Apprentissage ludique des mathématiques dans une école Montessori de Haute-Savoie.
Apprentissage ludique des mathématiques dans une école Montessori de Haute-Savoie. AMELIE-BENOIST / BSIP


Cinq axes, vingt et une propositions, une trentaine de recommandations… Après trois mois de travail, les membres de la mission installée par le ministre de l’éducation, Jean-Michel Blanquer, pour réfléchir à la manière de « redonner l’appétit des mathématiques à tous les enfants » mettent la dernière main à leur rapport qui doit être remis lundi 12 février.

Quelque 60 pages (hors annexes) d’un texte voulu accessible à tous – et pas seulement aux cercles de spécialistes – auxquelles ont contribué, outre le mathématicien Cédric Villani, député LRM, et l’inspecteur général de l’éducation nationale Charles Torossian, une vingtaine de personnalités qualifiées, inspecteurs, enseignants, hauts fonctionnaires… « C’est cette extrême variété des compétences, de la maternelle au lycée, qui fait la force de la démarche », fait valoir l’un des membres de la mission.

Quatre opérations Le rapport, dans sa version en cours de finalisation et dont le JDD a donné les grandes lignes dimanche, appelle à « cultiver le sens des quatre opérations de calcul dès le CP » quand, aujourd’hui, l’addition et la soustraction sont enseignées en CP, la multiplication en CE1, et la division en CE2. Est-ce fondamentalement différent ? « Cultiver le sens implique de fréquenter ces opérations pour aller très progressivement vers l’apprentissage des techniques opératoires sur l’ensemble de la scolarité élémentaire, explique Alice Ernoult, présidente de l’Association des professeurs de mathématiques qui a pris part à la mission. Cela va dans le sens des programmes de 2016. Sur ce point, il n’y a pas de raison de les bousculer » même si, comme l’a déjà fait savoir le ministre, ils seront dotés de « repères annuels ». 
  • Approche ludique Manipuler des objets – comme des cubes ou des bouliers à l’école – devrait se poursuivre, dans une démarche ludique. Les figures géométriques, les volumes peuvent trouver une place plus importante au collège, de même que l’utilisation des cartes et des logiciels au lycée… à condition que les collectivités, qui financent le matériel, jouent le jeu. « Les mathématiques comptent parmi les matières préférées à l’école, avant de connaître un désamour, reprend Mme Ernoult. L’abstraction trop rapide, le poids que la société fait porter à cette discipline – dite sélective – y sont pour beaucoup. D’où la nécessité de se pencher sur les leviers de motivation qui existent déjà sur le terrain mais méritent de faire tache d’huile. » 
  • Pédagogie C’est un apprentissage des mathématiques explicite et progressif que défendent les rapporteurs. A l’image de la méthode de Singapour, ce petit Etat qui caracole en tête des palmarès, même si l’on y sait la pression scolaire forte. Cette méthode – prise en exemple sans avoir l’exclusive – distingue trois étapes : manipuler, verbaliser, avant d’aller vers l’abstraction. Si la « marque » est nouvelle, disent les enseignants, la démarche ne l’est pas. « Dans les écoles normales [prédécesseures des instituts universitaires de formation des maîtres, devenus écoles supérieures du professorat et de l’éducation], les instituteurs de ma génération ont été formés de cette façon, relève Francette Popineau, du syndicat SNUipp-FSU. On est revenu dessus avec les programmes de 2008, très techniques, mais on a de nouveau inversé la tendance avec ceux de 2016. » 
  • Calcul mental. Présent à l’école primaire, le calcul mental pourrait trouver une place plus importante dans le secondaire : au collège, pourquoi ne pas démarrer les cours par des additions de fractions ? Des rituels de ce type ont fait leurs preuves, en permettant de confronter, dans l’émulation, les stratégies individuelles des élèves. La mission défend un « rééquilibrage des cours » qui ferait « une place à la manipulation, une place à la trace écrite et une place à la preuve ». 
  • Formation La mission prône d’accroître la formation initiale et continue des enseignants, en donnant la priorité, à la rentrée 2018, à ceux affectés en éducation prioritaire, dans les classes dédoublées de CP et de CE1. Elle défend aussi l’instauration d’une licence adaptée aux futurs professeurs. Autres préconisations : déployer des « référents mathématiques », expérimenter des établissements pilotes pour se former en équipe… Il serait aussi question de distribuer un livret sur la psychologie cognitive – ce pan de la recherche valorisé par M. Blanquer. De regarder de plus près les manuels, les ateliers périscolaires…
Ce n’est pas la première fois que l’institution entend démêler l’un des paradoxes du système éducatif français : si notre école se distingue par le nombre de ses médaillés Fields – ce « Nobel » de maths a été décerné à Cédric Villani en 2010 –, elle met dans le même temps ses élèves à la peine. En 2016, l’enquête internationale Trends in International Mathematics and Science Study (Timss) a fait l’effet d’une bombe, soulignant la chute des performances à la fois en terminale S et en fin d’école primaire (CM1). Reste que l’érosion n’est pas récente : elle était déjà perceptible dans les années 1980-1990 avec, à l’époque, des résultats en maths plus préoccupants qu’en lecture.
D’une alternance à l’autre, les politiques se renvoient la balle, épinglant les programmes réécrits par leurs prédécesseurs ou la « baisse des horaires » (alors même que la France fait figure de championne en matière d’heures consacrées, à l’année, à l’enseignement des « fondamentaux »). Les faiblesses en mathématiques sont plutôt d’ordre structurel, expliquent les spécialistes. Elles ont à voir avec le profil des enseignants du primaire – très majoritairement issus de filières littéraires –, avec leur formation inadaptée voire lacunaire…
Conseiller les professeurs dans leur pédagogie, réorganiser leur formation est une chose. Mais cela ne peut se faire sans enseignants ; or les mathématiques comptent parmi les disciplines les plus déficitaires, soulignent-ils. Reste à savoir comment la mission s’emparera de cette difficulté majeure.



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