mardi 9 janvier 2018

Quand les médicaments antiparkinsoniens deviennent une drogue

22/12/2017

Le syndrome de dysrégulation dopaminergique (SDD) se caractérise par une véritable addiction qui va porter certes sur la lévodopa, mais aussi sur les autres médicaments antiparkinsoniens, notamment les agonistes dopaminergiques. Ce syndrome survient chez environ 3 à 5 % des patients atteints d’une maladie de Parkinson idiopathique (MPI) traitée, ce qui explique l’accès facile aux médicaments en question. Le profil démographique et clinique est un peu particulier : sujet jeune ou relativement jeune, sexe masculin, réponse thérapeutique en général très favorable et tendance à l’automédication visant à contrôler la maladie le plus étroitement possible. 
Le SDD a tendance à se manifester dans les 4 à 5 années qui suivent le début du traitement, au moment où apparaissent souvent à la fois les dyskinésies iatrogènes et les fluctuations motrices. Il semble être en rapport avec une hyperactivité du réseau mésocorticolimbique et une dérégulation des mécanismes régulateurs émanant du cortex préfrontal qui vont induire l’addiction et la dépendance à la lévodopa, à l’instar d’une drogue. Le SDD est souvent méconnu ou sous-diagnostiqué au cours d’une maladie chronique dont le traitement de fond est souvent complexe et semé d’aléas. Une revue de la littérature internationale permet de faire le point sur ce syndrome, notamment sa traduction clinique, ses facteurs de risque, ses comorbidités et sa prise en charge thérapeutique. 

Des antécédents de toxicomanie dans 15 % des cas

Les cas rapportés ont été identifiés par la consultation systématique de deux bases de données, en l’occurrence Pubmed et EMBASE. Au total, 390 articles ont été sélectionnés, ce qui a conduit à l’étude de 98 cas. Le plus souvent (67 %), la MPI avait débuté précocement et le sexe masculin était prédominant (83 %) au sein de cet échantillon. Le SDD s’est manifesté par une série de signes et symptômes plus ou moins évocateurs : (1) handicap physique et social jugé significatif ; (2) tentatives pour s’opposer au diagnostic d’addiction aux antiparkinsoniens ; (3) fluctuations importantes de l’humeur et des troubles moteurs, avec anxiété importante, alternance d’épisodes hypomaniaques et dépressifs ; (4) actes compulsifs et répétitifs touchant au jeu, à l’appétit, à la sexualité ou à la frénésie d’achats, au point de déboucher sur des problèmes médicolégaux. Tous les cas répertoriés répondaient aux critères définissant la dépendance et l’addiction dans le DSM-V (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition). Des antécédents de toxicomanie ont été détectés dans 15,3 % des cas et des troubles psychiatriques environ une fois sur dix (10,2 %). Les comorbidités psychiatriques les plus souvent rencontrées ont été les suivantes : troubles compulsifs (61 %), psychose (32 %) et attaques de panique (14 %). La prise en charge thérapeutique s’est révélée difficile, en dépit de sa diversité. Le valproate de sodium a été efficace dans tous les cas (5/5) où il a été utilisé. Face aux échecs de la pharmacothérapie et aux conséquences de ce syndrome, une stimulation thalamique profonde a même été tentée, avec des résultats inconstants. 

Le SDD apparaît rare, mais son diagnostic doit être fait le plus précocement possible devant une série de troubles comportementaux ou psychiatriques survenant chez un patient jeune, le plus souvent de sexe masculin, atteint d’une MPI d’installation précoce. Les conséquences fonctionnelles, médicales et sociales du SDD justifient une prise en charge thérapeutique le plus tôt possible, au demeurant difficile dans la plupart des cas. 

Dr Philippe Tellier
RÉFÉRENCE
Warren N et coll. Dopamine dysregulation syndrome in Parkinson's disease: a systematic review of published cases. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2017 ; 88 : 1060-1064.

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