vendredi 5 janvier 2018

La DGOS ouvre des perspectives pour dépasser le modèle de financement actuel de la psychiatrie

Lors d'un congrès à Lille ce 22 septembre, la DGOS a dressé un état des lieux du financement actuel de la psychiatrie et ouvert des perspectives pour dépasser le modèle de dotation globale de fonctionnement. Il a notamment listé des pistes de travail qui vont être discutées lors du prochain comité de pilotage de la psychiatrie au ministère.
À quelques jours de la nouvelle réunion du comité de pilotage (Copil) de la psychiatrie au ministère, où sera évoquée l'évolution des modalités de financement de la psychiatrie, la DGOS a présenté le 22 septembre de premières perspectives pour sortir du modèle actuel, jugé par nombre d'acteurs du secteur inadapté aux besoins et inéquitable (lire notre analyse). Thierry Kurth, chef du bureau des prises en charge post-aïgues, maladies chroniques et santé mentale à la DGOS est ainsi intervenu aux 6es journées nationales de l'information médicale et du contrôle de gestion en psychiatrie, organisées* à Lille (Nord), pour dresser un état des lieux et évoquer les travaux à venir.

Abandon de la Vap pour des raisons multiples

Le représentant de la DGOS a tenu tout d'abord à développer les raisons qui ont conduit "à abandonner la valorisation à l'activité" en psychiatrie (Vap), dont les travaux avaient été lancés au ministère en 2006. Il a rappelé en préambule que le dernier rapport charges et produits de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts) place les pathologies psychiatriques au deuxième rang des dépenses d'assurance maladie avec 21,3 milliards d'euros (Md€, 15% des dépenses). Parmi celles-ci, le financement des établissements de santé autorisés en psychiatrie représente 8,8 Md€ en 2016 dont 8 Md€ alloués au titre de la dotation annuelle de financement (Daf) et 0,8 Md€ pour les prestations d'objectif quantifié national (OQN). Alors que les champs MCO, SSR et HAD "ont mené ou sont en train de mener des réformes de leurs modèles de financement en partie fondés sur l'activité, le champ de la psychiatrie publique et privée non lucrative reste encore principalement" financé par une enveloppe globale, via les ARS. 
"Une part des obstacles rencontrés [lors des travaux de la Vap] restent encore d'actualité."
Thierry Kurth (DGOS)
"Les limites de ce modèle, soulignées depuis de nombreuses années, ont conduit à envisager son évolution", notamment les travaux engagés sur la Vap, a-t-il rappelé. Un modèle qui reposait sur quatre compartiments : géopopulationnel, activité, missions d'intérêt général (Mig), médicaments coûteux. "Ce dernier compartiment a été assez rapidement abandonné, le coût des psychotropes et neuroleptiques étant sensiblement inférieur au coût des molécules onéreuses qui avaient cours en MCO", a-t-il expliqué. Le compartiment géopopulationnel s'est heurté à "l'insuffisance de données épidémiologiques fiables" (lien entre pathologies psychiatriques et données socio-démographiques insuffisamment documenté). Il nécessitait aussi d'interroger et de définir les différentes missions des établissements. Le compartiment Mig s'est heurté pour sa part au constat d'hétérogénéité des pratiques et défaut de cahier des charges des missions. Enfin, le compartiment activité nécessitait aussi de disposer de données fiables, exploitables, via le recueil d'information médicalisé en psychiatrie (RimP), et de données de coûts comparables entre établissements.

Absence de référentiels des pratiques pointée

Il fallait également prendre en compte l'élargissement des pathologies prises en charge depuis la création du secteur, la diversification des acteurs, l'augmentation des établissements non-sectorisés, le rôle des médecins généralistes, la place des acteurs médico-sociaux dans le cadre d'une offre de soins graduée, etc. Depuis, "plusieurs avancées significatives sont intervenues"mais pour autant "une part des obstacles rencontrés [lors des travaux Vap] restent encore d'actualité", a souligné Thierry Kurth. Et de citer au nombre des avancées : la fiabilisation et solidification du RimP, des enquêtes de coût menées par l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH), la confirmation récente de la mission de psychiatrie de secteur (loi de Santé) ou encore la définition des priorités des projets territoriaux de santé mentale (PTSM, lire notre article). "La difficulté persiste de l'absence de référentiel d'activité en psychiatrie et de l'hétérogénéité des pratiques", a-t-il insisté, même si des travaux sont ou ont été menés, notamment par la Haute Autorité de santé (HAS) pour harmoniser les pratiques (prise en charge de la violence, des troubles dépressifs, recours à l'isolement à la contention, etc.) ou par l'Agence nationale d'appui à la performance (Anap) pour la construction des parcours. La psychiatrie dispose aussi désormais d'une instance nationale de concertation, le Copil, qui permet d'échanger sur "ces questions de référentiels d'activité, qui manquent aujourd'hui pour poursuivre correctement un modèle". 

Sur le financement, à ce stade, les travaux menés par la DGOS et les ARS se concentrent sur la réduction des inégalités territoriales, a-t-il annoncé. Et de citer, entre autres, l'exemple de la Daf par habitant variant en 2015, selon les régions, de 107 à 258 euros.

Baisse des inégalités territoriales d'allocation

La DGOS a réparti les mesures de gel budgétaire en 2014 selon la Daf par habitant, soit "un critère assez sommaire". En 2015, a été introduit un score de répartition avec quatre indicateurs (dont la durée moyenne d'hospitalisation par patient en temps plein modulée par son évolution, taux de recours standardisé à l'hospitalisation à temps plein, etc.). En 2016, un prorata des bases a été appliqué pour la répartition des économies, soit un retour à un critère de répartition "simple et assez sommaire". Et dans la pratique, ce sont les ARS qui ont appliqué des modulations intra-régionales, "si bien qu'à la demande des acteurs, en 2017 dans le cadre des travaux du Copil, un état des lieux des modulations a été réalisé et des préconisations sur des principes de modulation ont été concertés et transmis aux ARS", a annoncé Thierry Kurth. Les modalités de modulation différaient "assez sensiblement" d'une région à l'autre, ainsi que la sophistication des modèles. 

"Et surtout sera menée [au comité de pilotage] une réflexion sur les objectifs auxquels doit répondre le modèle de financement."
Thierry Kurth (DGOS)

Le représentant de la DGOS a aussi cité des pistes envisagées par le rapport d'Olivier Véran (lire notre analyse) : faire émerger une approche standardisée des prises en charge pour bâtir un modèle, identifier des typologies, moduler une partie de la dotation en fonction de la population et des soins réalisés, objectiver les taux de recours, définir des objectifs de développement de l'ambulatoire, de l'offre, etc. 

Au Copil à venir le 25 septembre, les questions de la poursuite de la réduction des inégalités territoriales dans l'allocation des ressources et de la mise en place de modulations inter-régionales seront abordées, a-t-il annoncé. Et surtout sera menée une réflexion sur les objectifs auxquels doit répondre le modèle : qualité des prises en charge, responsabilité géopopulationnelle, prise en compte des missions de soins — urgence, prévention, coordination des acteurs, prise en charge des publics spécifiques (addictions, traumas, etc), précarité, recherche... — réalisation de cahiers des charges, etc. Autant de pistes, a conclu Thierry Kurth, "à approfondir dans la perspective de cette réforme du financement".
Caroline Cordier
* L'événement est co-organisé par l'Association des établissements participant au service public de santé mentale (Adesm) et la Conférence nationale des présidents de commission médicale d'établissement (CME) des centres hospitaliers spécialisés.
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