mercredi 31 janvier 2018

Antidépresseurs chez l’enfant : prescription plutôt stable en France

30/01/2018

On le dit souvent, surtout lorsque l’on parle des États-Unis : les enfants et adolescents sont de plus en plus sous traitements psychotropes. Qu’en est-il en France ? Une équipe de Toulouse a voulu aller au-delà des fantasmes, et est pour cela allée à la source, en puisant les données des bénéficiaires de l’Assurance Maladie. En l’occurrence, c’est la prescription d’antidépresseurs qui était évaluée. L’étude a été menée à un rythme annuel entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2016. Durant cette période, l’utilisation des antidépresseur a légèrement augmenté, passant de 0,51 % des 6-17 ans à 0,53 % (soit une progression de 3,9 % en valeur relative). Dans le détail, on observe une progression modérée pour les adolescents (+ 14 % pour les 12-17, avec 0,98 % de cette classe d’âge sous traitement en 2016) et une diminution pour les enfants de 6 à 11 ans (- 38,9 % entre 2009 et 2016 pour atteindre 0,11 %). Les antidépresseurs étaient plus souvent utilisés par les filles à l’adolescence (60,7 %) et par les garçons dans l’enfance (57,1 %). 

L’amitriptyline représente 41 % des prescriptions chez l’enfant

Les habitudes de prescriptions ont évolué avec une diminution de la prescription des imipraminiques au profit des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine. La sertraline est la molécule la plus utilisée chez les adolescents (32,9 % des prescriptions en 2016), alors qu’étonnamment, l’amitriptyline est très souvent prescrite chez les enfants (41,2 %). 

Pour rappel, les recommandations internationales mettent plutôt l’accent sur la fluoxétine dans le traitement de la dépression chez l’enfant et l’adolescent, cette molécule ayant été l’objet de davantage d’études évaluant son efficacité et sa tolérance (AMM à partir de 8 ans dans la dépression). 

Les médecins généralistes en première ligne

Fait important, les médecins généralistes étaient de loin les premiers prescripteurs de ces traitements (74,6 % des prescriptions en 2016). La prescription hors AMM reste fréquente (passée de 48,4 % à 34,8 % chez les adolescents et de 10 à 26,5 % chez les enfants). 

A titre de comparaison, en 2012, 1,58 % des sujets de moins de 19 ans aux États-Unis étaient traités par antidépresseurs contre 1,05 % des enfants au Royaume-Uni et 0,48 % en Allemagne (1). Dans cette étude, pour ces trois pays, les prescriptions d’antidépresseurs étaient en nette progression pour la période 2005-2012 (+ 49,2 % en Allemagne par exemple). La relative stabilité de la prescription en France (et même sa diminution chez les enfants) fait donc figure d’exception parmi les pays occidentaux.   

Difficile de dire s’il faut se réjouir ou non de cette relative "préservation" de nos enfants vis-à-vis de ces traitements, cette intéressante étude mettant tout de même en évidence l’inadéquation criante entre les recommandations et les pratiques. Elles soulignent l’effort à faire sur la formation des médecins généralistes qui sont en première ligne de la prise en charge des troubles mentaux, en particulier chez l’enfant où l’offre de soins spécialisée est par endroits très difficilement accessible.

(1) Bachmann CJ, Aagaard L, Burcu M, Glaeske G, Kalverdijk LJ, Petersen I, et coll. : Trends and patterns of antidepressant use in children and adolescents from five western countries, 2005-2012. Eur Neuropsychopharmacol J Eur Coll Neuropsychopharmacol. mars 2016;26(3):411‑9. 

Dr William Hayward
RÉFÉRENCE
A.Revet et coll. Utilisation des antidépresseurs chez l'enfant en France de 2009 à 2016. 16e congrès de l’Encéphale. 26 au 24 janvier 2018

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