vendredi 15 décembre 2017

« Le Gazouillis des éléphants », de Bruno Montpied, est un formidable inventaire des créations des facteur Cheval et autres « gueux artistes ».

LE MONDE DES LIVRES |  • Mis à jour le  | Par 

Le Gazouillis des éléphants. Tentative d’inventaire général des environnements spontanés et chimériques créés en France par des autodidactes populaires, bruts, naïfs, excentriques, loufoques, brindezingues, ou tout simplement inventifs, passés, présents et en devenir, en plein air ou sous terre (quelquefois en intérieur), pour le plaisir de leurs auteurs et de quelques amateurs de passage, de Bruno Montpied, Le Sandre, 930 p.


Dans les années 1960 et 1970, l’éditeur Claude Tchou lança – noir et or, papier ivoire, format oblong – « Les Guides noirs », déclinaisons régionales du Guide de la France mystérieuse, qui offraient, sortant des autoroutes battues et courbatues du tourisme formaté, l’occasion de dérives surprenantes. On allait ainsi, province après province, de roches aux fées en puits du diable, de statues éplorées en maisons du crime. C’est dans ce glorieux sillage que se situent les Editions du Sandre en nous proposant de tendre l’oreille au Gazouillis des éléphants, entendez de feuilleter le formidable « inventaire des environnements spontanés et chimériques » dressé par l’écrivain et documentariste Bruno Montpied.


Auteur de nombreux travaux érudits sur les créateurs autodidactes et l’art brut, Montpied nous livre là le « Guide Merlin des enchanteurs domestiques », la recension, région après département, de 305 bâtisseurs spontanés qui décidèrent un beau matin de transfigurer leur villa, leur ferme ou leur pavillon par l’incrustation en façade d’une mosaïque, l’érection en leur jardin de statues géantes ou de maquettes colossales, le surgissement de souches sculpturales ou de racines fantastiques, trahissant ainsi leurs angoisses, leurs fascinations, leurs convictions ou leurs croyances.


Créations « de plein vent »


Acte gratuit, spectacle permanent, sincérité totale. Des lieux dénichés par hasard, grâce à des témoignages ou à de rares archives, des sites parfois démantelés ou secrets. Si certains sont mondialement connus (palais du facteur Cheval ; maison Picassiette ; sculptures de l’abbé Fouéré…), d’autres n’ont qu’un renom local, voire sont masqués ou secrets.

Puisons dans ce trésor et découvrons les dragons d’André Gourlet ou la femme-araignée de M. X., les tas sauvages de Zef l’empileur ou les souches fantastiques d’André Morvan, le Petit Paris de Marcel Dhièvre ou le jardin zoomorphe d’Hubert Bastouil. Mention spéciale à la maison enfouie de Jeanne Devidal, solitaire traumatisée par la guerre et les camps qui s’appliqua, des années durant, à recouvrir sa demeure de divers matériaux.

Des « inspirés du bord de l’art », des « gueux artistes » adonnés à des créations « de plein vent », de toutes origines et de tous les corps de métier. Après la France d’en bas et celle d’en haut, voici la carte de la France d’ailleurs, celle des « rêveurs définitifs », la vraie.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire