mardi 26 décembre 2017

La Suède veut renforcer la législation contre le viol « par négligence »

Un projet de loi requiert un consentement explicite avant toute relation sexuelle.

LE MONDE  | Par 

Le Parlement suédois.
Le Parlement suédois. SVEN NACKSTRAND/AFP
La Suède se dotera à partir du 1er juillet 2018 d’une nouvelle loi sur le consentement dans les rapports sexuels. Le gouvernement a annoncé quelques jours avant Noël les grandes lignes du projet de texte, qui sera déposé en début d’année devant le Parlement. Tous les partis soutiennent le projet.
La loi proposera l’interdiction d’avoir une relation sexuelle avec une personne qui n’a pas expressément dit oui ou montré activement qu’elle veut avoir cette relation. User de violence ou profiter de l’état de faiblesse de la victime ne sera plus un prérequis indispensable pour être condamné. « Le sexe doit être volontaire, sinon c’est illégal », a précisé Isabella Lövin, vice-première ministre verte.

Deux nouvelles qualifications seront ainsi introduites : le viol et l’outrage sexuel « par négligence ». Cette dernière notion se réfère aux cas où l’autre n’a pas expressément dit son consentement à l’acte. D’autres paragraphes durciront les peines, notamment quand des mineurs sont impliqués. Les auteurs auront plus de mal à prétendre que l’enfant faisait plus vieux que son âge.


20 300 délits sexuels déclarés

En dépit de l’unanimité qui règne au Parlement, la problématique de la preuve demeure, estime l’ordre des avocats, dont une majorité de membres avait critiqué ce projet en 2016. Dans bien des cas, ce sera encore la parole de l’un contre celle de l’autre. Sur les réseaux sociaux, des internautes s’en donnent à cœur joie. On voit ainsi de prétendus « contrats de baise » à signer avant de passer à l’acte. Rien de tel bien sûr dans la réalité. « Mais la loi est aussi un outil pour changer les attitudes et les valeurs dans notre société », a commenté le premier ministre social-démocrate, Stefan Löfven.

De fait, si cette loi n’entraînera peut-être pas beaucoup plus de condamnations, elle se veut un symbole normatif, à l’instar de la loi sur l’achat de services sexuels votée en 1998. Ce texte prévoit que c’est l’achat qui est condamné, et non la vente, car cela reviendrait à imposer une double peine aux prostituées, considérées déjà comme victimes par le simple fait de vendre leur corps. « Il s’agit pour nous de marquer que la société n’accepte pas qu’un homme puisse acheter une femme pour son plaisir », disait alors la députée sociale-démocrate Inger Segerström, à l’initiative de la loi.

L’actuel projet de loi bénéficie d’un soutien d’autant plus large que les acquittements à répétition dans les affaires de viol exaspèrent les Suédois








La loi sur le consentement était en discussion bien avant l’affaire Harvey Weinstein et les vagues de témoignages #metoo qui se sont succédé sous forme de pétitions cet automne en Suède, au gré des mots-dièses par métier : 456 actrices, plus de 4 000 journalistes, 1 730 employées de la défense, 4 627 du secteur du bâtiment, 653 chanteuses, 620 danseuses, 4 445 juristes, 3 853 enseignantes, plus de 8 000 lycéennes, quelque 1 300 femmes politiques… La palme revenant au secteur médical, avec 10 400 femmes médecins et étudiantes signataires.

Dès 2010, l’affaire Julian Assange avait entraîné une vague de témoignages et de débats sur la question du consentement en Suède, après que le fondateur de WikiLeaks fut soupçonné de viol et de délit sexuel contre deux Suédoises qui avaient dans un premier stade de leur relation consenti à un rapport sexuel.

L’actuel projet de loi bénéficie d’un soutien d’autant plus large que les acquittements à répétition dans les affaires de viol exaspèrent les Suédois. La présentation a ainsi coïncidé avec le verdict, le 19 décembre, d’une affaire très médiatisée de viol en réunion où les cinq prévenus ont été acquittés. Le tribunal a estimé que les preuves ne suffisaient pas pour obtenir des condamnations, en dépit de la présence de sperme de trois des prévenus.

Les juges ont d’ailleurs critiqué durement l’enquête de la police, qui a failli à bien des égards. Les policiers ont par exemple attendu dix mois avant de se rendre dans la cage d’escalier où avaient eu lieu les viols. « Notre personnel politique se félicite d’avoir proposé une loi qui demande le consentement lors des relations sexuelles, quand en même temps on fait le constat douloureux que la société ne prend pas les viols au sérieux », écrit Zozan Inci, présidente de Roks, une organisation d’hébergement de femmes victimes de violences, dans le journal Aftonbladet.

Quelque 20 300 délits sexuels ont été déclarés à la police en 2016, dont un tiers qualifié comme viols, tandis que le nombre de personnes condamnées pour ce crime est relativement stable, de l’ordre de 200 par an au cours des dernières années. La notion beaucoup plus large de délit sexuel appliquée par la Suède explique aussi qu’elle est parmi les pays où le nombre de signalements de viols est le plus important au monde.

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