vendredi 22 décembre 2017

Don d'organes : la prescription du député Touraine pour diminuer le taux de refus

Coline Garré
| 20.12.2017


Le taux de refus de prélèvement d'organe doit passer sous la barre de 25 % d'ici à 2021, estime l'Agence de la biomédecine (ABM), pour qu'il y ait une adéquation entre les besoins en greffe, de plus en plus nombreux (entre 2012 et 2016, le nombre de patients en attente d'une greffe a augmenté de 36 %, plus de 14 000 patients sont en attente au 1er janvier 2016) et l'offre (5 891 organes greffés en France en 2016, + 17% par rapport à 2012). Le plan 2017-2021 prévoit d'atteindre l'objectif de 7 800 greffes annuelles. 
Pour cela, il n'est pas besoin de modifier la loi, révisée en janvier 2016 après de longues discussions, et entrée en vigueur en 2017, mais il faut mieux l'appliquer, estime le député LREM (ex-PS) Jean-Louis Touraine, qui a présenté devant la commission des affaires sociales, ce 20 décembre, les conclusions d'une mission flash, sur les conditions de prélèvement d'organes et du refus de tels prélèvements.

Pour rappel, la loi de janvier 2016 réaffirme le principe du consentement présumé au don d'organes. Ce principe était déjà inscrit dans la loi Caillavet de 1976 mais, dans les faits, l'accord des proches était systématiquement requis. En août 2016, un arrêté précise les bonnes pratiques en vigueur au 1er janvier 2017 : « Le médecin informe les proches du défunt, préalablement au prélèvement envisagé, de sa nature et de sa finalité (...). Ce prélèvement peut être pratiqué sur une personne majeure dès lors qu'elle n'a pas fait connaître, de son vivant, son refus d'un tel prélèvement, principalement par l'inscription sur un registre national automatisé prévu à cet effet. » Il existe deux autres modalités d'expression du refus : un écrit rédigé par la personne, confié à un proche ou placé dans ses papiers d'identité ou le témoignage d'un proche d'un défunt consigné dans un document écrit, mentionnant les circonstances de son expression.
Une loi mieux connue mais diversement appliquée 
Un an après, le député Touraine constate une meilleure connaissance de la loi par le grand public et les professionnels de santé, grâce à la communication de l'ABM, qui, par ailleurs, vient d'arrêter de distribuer la carte de donneur d'organes, qui brouille le message. Le registre national des refus a connu une grande vague d'inscriptions : de 90 000 inscrits depuis 1998, il compte aujourd'hui quelque 300 000 inscrits. « Ce qui reste insuffisant pour faire du RNR le principal mode d'expression du refus dans l'esprit de la loi », lit-on dans la synthèse de la mission flash. 
Le taux de refus commence à fléchir : de 32 % en 2015, et 33 % en 2016, il est tombé à 29,6 % en 2017 (selon les chiffres non encore consolidés de l'ABM sur 11 mois). 
« Il faut désormais aller plus loin », exhorte Jean-Louis Touraine, qui, après l'audition d'une dizaine d'équipes de coordination, souligne les disparités locales et régionales dans l'application de la loi. Les taux de refus varient de 37,7 % en Ile-de-France, contre moins de 25 % dans l'est ou l'ouest de la France, ou encore plus de 50 % à la Réunion. Ici, des facteurs socio-culturels jouent, de nombreux préjugés à l'encontre du don d'organes ayant encore cours dans cette île, rapporte le député. Mais il existe également des différences dans l'organisation des équipes et dans leur formation. 
Autre bémol : les refus ne sont pas toujours exprimés comme l'entend la loi. Beaucoup (17,5 %) empruntent la troisième possibilité (le témoignage écrit et circonstancié du proche). Et pour 10,4 %, il est fait mention « d'un contexte défavorable au prélèvement », pour justifier l'absence de prélèvement – une notion floue, et non prévue dans la loi, qui correspond, selon Jean-Louis Touraine, à une farouche opposition des proches. « Il reste difficile pour les professionnels de santé, de faire comprendre aux proches que c'est l'avis du défunt et non le leur, qui doit être pris en compte »,explique-t-il. 
Mieux valoriser l'activité de prélèvement
Jean-Louis Touraine préconise d'améliorer l'organisation des prélèvements au sein des établissements et le recueil du consentement, en appliquant toujours mieux les bonnes pratiques : s'assurer de l'existence d'un binôme coordination/réanimateur, systématiser les debriefs entre professionnels, après les entretiens avec les proches, et mieux valoriser l'activité de prélèvement au sein des établissements. « Un prélèvement est souvent perçu comme un élément perturbateur de l'activité d'un bloc, mais c'est du soin ! », souligne le député médecin.  
Concrètement, le forfait des coordinations de prélèvement pourrait être modulé en fonction du nombre de donneurs d'organes recensés (ce qui est déjà le cas), mais aussi prélevés, et une prime pourrait récompenser les structures où le taux de refus est en diminution constante. L'activité de prélèvement devrait être prise en compte dans la certification des établissements de santé, faite par la Haute Autorité de santé. Et les réseaux de prélèvement doivent être soutenus, sans que soit nullement remise en cause l'existence des plus petits centres de prélèvement. « Peu de groupements hospitaliers de territoire se sont emparés du sujet », note Jean-Louis Touraine.  
Le député Touraine préconise en outre de renforcer la formation des professionnels de santé, grâce à l'intégration d'un module obligatoire dans les études de médecine et de soins infirmiers, la création d'un diplôme spécifique pour les coordinateurs, le développement de la simulation pour préparer les entretiens avec les familles, et la sensibilisation des sociétés savantes d'anesthésiste-réanimateur, de pédiatrie, et de médecine d'urgence. 
Enfin, la communication à l'égard des généralistes et du grand public, en particulier les plus jeunes (via la journée défense et citoyenneté ou les cours de SVT à l'école) et les plus réticents (par exemple, les territoires ultramarins), doit être soutenue.

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