vendredi 17 novembre 2017

Vers un atlas des cellules humaines

Biologie - La Fondation Chan Zuckerberg lance une initiative visant à caractériser l’ensemble des types cellulaires de l’espèce humaine. C’est le Human Cell Atlas Project, « Atlas des cellules humaines ». Une équipe niçoise y participe.

LE MONDE SCIENCE ET TECHNO Par 

Dans cette section d’une bronchiole pulmonaire, les protéines cellulaires sont teintées en rouge (actine globulaire), en vert (active filamenteuse) et en bleu (actine de muscle lisse).
Dans cette section d’une bronchiole pulmonaire, les protéines cellulaires sont teintées en rouge (actine globulaire), en vert (active filamenteuse) et en bleu (actine de muscle lisse). R. Bick, B. Poindexter, UT medical school/SPL/Cosmos


C’est l’un de ces projets ­gigantesques, compilant de manière exhaustive des masses de données pour permettre des percées scientifiques. Après le Projet génome humain, les divers programmes américain et européen sur le cerveau, un nouveau consortium inter­national voit le jour ces jours-ci : le Human Cell Atlas Project (HCA, « Atlas des cellules humaines »).

Financé par la Chan Zuckerberg Initiative (CZI) pour un montant non rendu public, il démarre avec 38 projets pilotes, émanant de huit pays – dont la France pour l’un d’entre eux –, sur quatre continents. Il s’agit de bâtir les outils et les technologies nécessaires pour recenser l’ensemble des types de cellule qu’abrite un corps humain. Ils sont répartis dans six catégories : cerveau, système immunitaire, manipulation et traitement des tissus, appareil gastro-intestinal, peau, et développement de technologies. Un jury international associant scientifiques de la CZI et experts extérieurs a examiné 481 propositions. Les deux chefs de file du HCA sont deux femmes : Aviv Regev (Broad Institute of MIT and Harvard, Etats-Unis) et Sarah Teichmann (Wellcome Trust Sanger Institute, Royaume-Uni).

Collaboration internationale


A l’origine du projet se trouve l’organisation philanthropique créée le 1er décembre 2015 par la pédiatre Priscilla Chan et son mari Mark Zuckerberg, cofondateur et PDG de Facebook.
« Le HCA fournira une base à la compréhension des processus biologiques humains fon­damentaux et au diagnostic, à la ­surveillance et au traitement des maladies. Il aidera les scientifiques à élucider la manière dont les variants génétiques ont un impact sur le risque de maladie, à définir la toxicité ­médicamenteuse, à découvrir de meilleurs traitements et à faire progresser la médecine régénérative », résume le Livre blanc du projet, publié le 18 octobre.
Collaboration internationale, le HCA constituera une base de données de référence en accès libre, qui « amplifiera l’impact des technologies d’analyse des cellules uniques », précise Jeff MacGregor, directeur de la communication pour les sciences à la CZI. Le séquençage génomique a en effet connu des transformations majeures ces ­dernières décennies, passant de l’échelle de l’ensemble du génome à celle d’une cellule unique.

« Il y a quarante ans, Sanger réalisait le premier séquençage d’un génome, celui du virus bactériophage, rappelle Pascal Barbry (Institut de pharmacologie moléculaire et ­cellulaire, université Côte d’Azur et CNRS), responsable de l’équipe ­niçoise sélectionnée pour le HCA. Pour le génome humain, il a fallu de grosses usines. A présent, de petites machines permettent de travailler sur des projets à petite échelle. Cela a considérablement modifié la ­façon de constituer des biobanques. » Avec 5 000 à 10 000 cellules séquencées à chaque passage, il est possible d’identifier des populations cellulaires relativement ­rares, note Pascal Barbry.

L’équipe niçoise a été retenue pour « optimiser le traitement des tissus et fournir des données de ­référence pour de multiples méthodes d’analyse de différentes localisations anatomiques des voies respiratoires humaines ». Une mission à laquelle sont notamment associées les équipes de pneumologie du CHU de Nice. « Dans les voies respiratoires, il existe différents types cellulaires, mais aussi des populations de cellules apparemment identiques, dont le profil d’expression génétique diffère. Nos travaux sont principalement dirigés vers des pathologies comme l’asthme et la mucoviscidose. D’autres projets concernent le cancer », indique Pascal Barbry.


Banques d’ADN

En pratique, les cliniciens vont effectuer par fibroscopie des prélèvements dans les voies aériennes. Dans les échantillons se trouvent plusieurs sous-populations de ­cellules ayant chacune ses propres caractéristiques fonctionnelles et moléculaires. Les cellules seront isolées. L’étape suivante est la construction des banques d’ADN complémentaires des populations d’ARN messagers présentes dans chaque cellule, avec séquençage et quantification. Enfin, des analyses bio-informatiques retrouveront et caractériseront les différentes sous-populations de cellules.

« Avec le HCA, nous voulons établir un point de référence qui guidera et influencera la prochaine génération de traitements. »
« Dans le cas du cancer, il faut bien sûr s’intéresser aux mutations survenant dans une seule cellule mais aussi à ce qui se passe dans son environnement, remarque le chercheur Jonah Cool, responsable de programme à la CZI. Le système immunitaire n’a pas muté, mais il ne parvient pas à empêcher le développement du cancer. Avec le HCA, nous voulons établir un point de référence qui guidera et influencera la prochaine génération de traitements. »

Réaliste ?


Une attente réaliste ? « Pour qu’un champ de recherche puisse bouger, il faut que des buts précis technologiquement aient été assignés au projet. C’est comme faire marcher l’homme sur la Lune pour la NASA, estime Yves Frégnac (unité de neurosciences, information et complexité UNIC-CNRS, Gif-sur-Yvette), qui signe dans Science du 27 octobre un article sur le big data et l’industrialisation des neurosciences. Un atlas tel que le conçoit le HCA devrait permettre de progresser, surtout s’il ne prend pas seulement en compte les cellules isolées mais aussi les métadata de leur environnement ».

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