mercredi 1 novembre 2017

Judith Scott ensevelit un corps perdu et fait éclore la vie

Notes d'art brut


Written by Lucienne Peiry 31 octobre 2017

Judith Scott ensevelit un corps perdu et fait éclore la vie

Judith Scott ensevelit un corps perdu et fait éclore la vie
 Judith Scott, Biennale de Venise, 2017. Photo: Lucienne Peiry

A l’intérieur des œuvres de Judith Scott, un ou plusieurs objets constituent le cœur de sa production: un parapluie, un ventilateur, des magazines ou des clés qu’elle arrime les uns aux autres puis qu’elle entoure, enveloppe et enlace de fils, ficelles, cordes et cordelettes, de manière à protéger et à occulter intégralement ce corps central. Anthropomorphes, zoomorphes ou organiques au début, les sculptures se métamorphosent progressivement et deviennent abstraites dans les dernières années ; elles se présentent le plus souvent sans orientation donnée, sans haut ni bas, sans face ni dos.

La créatrice d’Art Brut n’accorde aucun regard, ou presque, à l’ouvrage en cours de fabrication et procède par gestes lents et répétitifs. La superposition des fils et leur entrelacement, ainsi que les liens et les nœuds qu’elle constitue génèrent un extraordinaire réseau textile, complexe et arachnéen. Des œuvres colorées, il se dégage une forte tension grâce à la fermeté avec laquelle les fils et les brins sont tirés et tissés. Désordre et sauvagerie se bousculent et président à l’émergence d’une technique inédite et novatrice. Ces sculptures qui ressemblent à des cocons géants multicolores ou rappellent des poupées d’envoûtement sont étroitement liées à l’histoire personnelle de leur auteur.

Dans un rituel qui se répète pendant plus de vingt ans, Judith Scott – séparée brutalement de sa sœur jumelle lorsqu’elle était enfant – se lance dans la création, à l’cage adulte, après les retrouvailles avec Joyce, sa jumelle. Dans ses productions, elle momifie un être qu’elle enveloppe avec soin.


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