mercredi 4 octobre 2017

Un neuroleptique pour les enfants qui détestent leur poupée

Par Pierre Bienvault, le 3/10/2017 à 06h00

« Votre enfant est sujet à des vomissements ou n’aime pas ses jouets ? Donnez-lui donc un antipsychotique », prônait une publicité des années 1960.
Récemment, Sandrine Cabut, journaliste au Monde, a exhumé sur Twitter une publicité pharmaceutique (1) assez sidérante, datant de 1960. Une sorte d’affiche sans doute destinée à être accrochée dans la salle d’attente des médecins. Pour vanter les mérites du Melleril, un antipsychotique (ou neuroleptique), médicament destiné à traiter notamment la schizophrénie. Et dont la commercialisation a été arrêtée en 2005.

Dans cette publicité, on voit un dessin d’enfant au-dessus duquel est écrit : « Ooooh, je déteste ma poupée… » Et le message adressé aux parents laisse pantois. « Votre enfant est sujet à des vomissements ou n’aime pas ses jouets ? Donnez-lui un antipsychotique. » Un message que décrypte Jean-Louis Senon (2), professeur de psychiatrie au CHU de Poitiers. « Le Melleril était un médicament qui, en dehors de son action sur les psychoses, avait un effet antiémétique (médicament anti-nausée, NDLR) à faible dose, explique-t-il. Dans ces années 1960, il pouvait ainsi être donné à des enfants qui vomissaient. Toujours à faible dose, il avait aussi un effet sédatif et pouvait être prescrit à un enfant avec des angoisses ou des troubles du comportement. »

Mais comment en arriver à conseiller un médicament traitant la schizophrénie pour des enfants n’aimant pas leurs jouets ? « Le lien est déplorable, c’est vrai. Cela vient du fait qu’à une certaine époque on estimait qu’un enfant n’aimant pas ses jouets ou replié, cela pouvait être un signe de psychose. Il s’agissait là d’un diagnostic inacceptable », souligne le professeur Senon.


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