mardi 10 octobre 2017

La commission des affaires sociales du Sénat supprime l'exercice partiel des professions de santé

 - HOSPIMEDIA
C'est un nouveau rebondissement dans la contestation de la mise en place de l'exercice partiel des professions de santé, transposition d'une directive européenne. La commission des affaires sociales du Sénat marque sa désapprobation ce 5 octobre, après examen de l'ordonnance adoptée à l'Assemblée, et se range derrière les professionnels concernés.
La commission des affaires sociales du Sénat a examiné le 5 octobre plusieurs projets de loi adoptés par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée. Parmi ces textes figure l'ordonnance du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé. L'article 2 de ce texte porte sur la ratification de l'ordonnance sur la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé. Il s'agit en fait de la transposition d'une directive européenne datant du 20 novembre 2013. 

"Complète impréparation"

Ce texte est observé de près notamment par les professions paramédicales (lire notre article). Représentants des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, podologues, orthophonistes ou encore sages-femmes montent au créneau depuis plusieurs mois pour exprimer leurs doutes au sujet de l'accès partiel aux professions de santé. Dans son rapport, mis en ligne ce 5 octobre et rédigé par la sénatrice Corinne Imbert (Les Républicains, Charente-Maritime), la commission des affaires sociales abonde dans leur sens : elle a décidé de supprimer les dispositions "introduisant un accès partiel aux professions de santé, en considération des risques pensant sur la cohérence, la qualité et la sécurité de notre système de soins", écrit-elle. 

Et la commission de détailler "des dispositions éparses", reconnaissant que la plus sensible d'entre elles porte sur la mise en place de l'exercice partiel. "Il semble qu'il existe sinon un certain flou, du moins un débat autour de la portée de cette disposition", résume l'avis. La commission indique que "suivant la position de son rapporteur", elle est "tout à fait opposée à la mise en place de l'accès partiel à l'exercice des professions de santé". Elle souligne qu'il s'agit "d'une position constante du Sénat", qui, déjà, dans une résolution du 6 mars 2012, avait marqué sa préoccupation face aux dispositions de la future directive, considérées comme "susceptibles de porter atteinte au bon fonctionnement de notre système de santé et à la sécurité des patients". Elle souligne "la complète impréparation" qui semble entourer la mise en place "d'une évolution fondamentale pour l'exercice professionnel dans notre pays".

"Fragmentation des professions"

Les sénateurs déplorent le fait que la France ne dispose toujours d'aucun élément d'évaluation concernant le nombre de professionnels susceptibles de formuler une demande dans notre pays, ainsi que les professions qui seraient les plus concernées. "La définition d'un cadre législatif et réglementaire prétendant garantir la sécurité de ce mode d'exercice pour les patients, ainsi que la qualité des soins dispensés dans ce cadre, apparaît bien prématurée", affirment-ils après avoir auditionné la DGOS. Ils s'inquiètent de la compatibilité d'une telle mesure avec l'organisation française, craignant une fragmentation des professions. 

"Cette réforme semble prendre le contrepied des évolutions engagées, ou à engager, quant à l'élévation de la qualification des professionnels médicaux et paramédicaux dans le cadre européen et quant au développement des coopérations interprofessionnelles", expriment-ils. Les sénateurs craignent ainsi de déboucher sur un système de soins à "multiplicité de vitesses". Le scénario le plus redouté ? "Celui du développement de professionnels "intermédiaires", auxquels serait proposée une rémunération correspondante, et qui accepteraient des conditions de travail refusées par les professionnels de santé de plein exercice.

Inégalités dans l'accès aux soins

De quoi faire naître d'autres inégalités, celles de l'accès aux soins. "Les problèmes de qualité des soins et de sécurité sanitaire qui pourraient être entraînés par la reconnaissance d'un accès partiel frapperaient avant tout les patients les moins informés, qui recouvrent bien souvent les populations les plus fragiles", explicite la commission. Elle souligne que cette mesure d'exercice partiel pourrait être surtout utilisée par les établissements qui peinent à recruter ou situés dans des zones désertées par les professionnels de santé, ce qui pourrait accroître encore les inégalités pour les patients. Le Sénat met par ailleurs en lumière plusieurs difficultés "d'ordre pratique". Surcoût pour la sécurité sociale et effet d'aubaine pour les professionnels "et surtout les formateurs étrangers", ou encore difficultés dans le cadre de la procédure de reconnaissance des qualifications de droit commun sont notamment énumérées.
La commission constate, au-delà des arguments, que cette mesure suscite une opposition massive de tous les acteurs de la santé. "Votre commission estime invraisemblable de sacrifier, contre l'avis de tous les acteurs du monde de la santé, l'organisation et la qualité de notre système de soins à des considérations essentiellement juridiques", reproche-t-elle au Gouvernement. Elle demande "une discussion de nature technique et politique au niveau européen, compte tenu notamment des différents choix de transposition effectués par les différents États membres", citant l'Allemagne, qui a choisi d'exclure les professionnels bénéficiant de la reconnaissance automatique de leurs qualifications professionnelles du champ de la transposition de la directive. Elle exige ainsi une "discussion approfondie sur le fond du dispositif". C'est pour cette raison qu'elle a adopté un amendement visant à exclure les dispositions relatives à l'accès partiel du champ de la ratification de l'ordonnance. Le texte doit être examiné en séance publique ce 11 octobre. 
Clémence Nayrac

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