mardi 26 septembre 2017

L’évaluation de la douleur persistante chez les nouveau-nés en soins intensifs laisse à désirer

25/09/2017


La douleur persistante ou prolongée [DP] est le lot commun des nouveau-nés admis dans une Unité de Soins Intensifs Néonatale [USIN]. Elle est la résultante de stimuli nociceptifs multiples, en grande partie inévitables (pathologies, ventilation mécanique, soins…). Habituellement, les soignants ont la tâche chronophage de l’évaluer plusieurs fois par jour, avec un outil adapté, afin de la reconnaître et de la traiter. L’enquête prospective EUROPAIN décrit la pratique de l’évaluation de la DP dans 243 USIN de 18 pays d’Europe.

Chaque USIN participante a enrôlé les nouveau-nés admis durant un mois, entre le 01/10/2012 et le 30/06/2013, et elle a enregistré des données pendant un maximum de 28 jours suivant l’admission.
Au total, 6 648 nouveau-nés sont inclus dans l’enquête ; 31 % sont nés avant 33 semaines et 45 % ont reçu une assistance respiratoire, invasive (32 %) ou non invasive (22 %).

Les USIN françaises, plus impliquées

Durant leur séjour en USIN, seulement 32 % des nouveau-nés ont bénéficié d’au moins une cotation de la DP (2 113 /6 648), et 10 % d’une évaluation quotidienne de la DP (689 /6 648). Ces proportions sont plus élevées pour les patients ventilés via une sonde trachéale à un moment ou à un autre, que pour ceux ventilés uniquement de façon non invasive ou qui ont pu se passer d’une assistance respiratoire (46 % et 14 %, 35 % et 11 %, 20 % et 8 %, respectivement ; p < 0,001 pour les comparaisons des trois groupes respiratoires). La France est le seul pays européen où toutes les USIN participantes (34 /34) ont évalué la DP, avec une moyenne de 2,6 ± 1,8 cotations par patient et par jour.
Les deux échelles les plus utilisées, l’EDIN (57 % des patients évalués) et la COMFORTnéo (20 % des patients évalués), convenaient bien à la cotation de la DP néonatale.
L’évaluation de la DP était favorisée par certaines caractéristiques des USIN et des patients traités. Sa probabilité était augmentée si l’unité possédait des directives spécifiques, des infirmières expertes et des berceaux de chirurgie (p < 0,01 pour les trois facteurs). Elle était aussi augmentée si les patients étaient de grands prématurés, étaient ventilés ou recevaient une sédation–analgésie (p < 0,001 pour les trois), ou encore s’ils avaient besoin d’une intervention chirurgicale (p = 0,03).
L’administration de sédatifs, analgésiques ou anesthésiques accroissait les chances d’évaluer la DP durant le temps de ventilation, compté en patient-journées, de 60 % en ventilation trachéale (Odds Ratio : 1,60) et de 40 % en ventilation non invasive (Odds Ratio : 1,40).

Deux nouveau-nés sur trois n’ont aucune cotation de la DP

Le constat de cette enquête est sans appel. L’évaluation de la DP néonatale est loin d’être la règle dans la plupart des pays européens et des USIN de ces pays. Globalement, deux nouveau-nés en soins intensifs sur trois, et un nouveau-né en ventilation trachéale sur deux ne bénéficient d’aucune cotation pendant leur hospitalisation. Cet écart entre les recommandations et la pratique au chevet du patient peut être dû au manque de temps ou à un sentiment d’inutilité, les patients recevant de toute façon une sédation-analgésie. Pourtant, le score de DP est une constante vitale, au même titre que la fréquence cardiaque, et son évolution peut guider la sédation-analgésie. Pour promouvoir l’évaluation de la DP néonatale les auteurs suggèrent deux moyens : la rédaction de protocoles nationaux et la désignation d’infirmières expertes dans les USIN.
Dr Jean-Marc Retbi
RÉFÉRENCE
Anand KJS et coll. : Assessment of continuous pain in newborns admitted to NICU in 18 European countries. Acta Paediatr., 2017; 106: 1248-1259
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