dimanche 24 septembre 2017

Au Maroc, la virginité à tout prix : « Ils veulent du sang, alors on leur en donne »

Poche d’albumine, foie de volaille, reconstruction de l’hymen : tous les moyens sont bons pour entretenir le mythe de la chasteté des femmes avant le mariage.

Par Ghalia Kadiri (Casablanca, correspondance)

LE MONDE Le 24.09.2017

Une femme attend l’arrivée des époux lors d’un mariage à Khourigba, au Maroc, en 2007.
Une femme attend l’arrivée des époux lors d’un mariage à Khourigba, au Maroc, en 2007. CRÉDITS : RAFAEL MARCHANTE/REUTERS

Selma*, 27 ans, le sait : son mariage est basé sur un mensonge. « Mais il vaut mieux mentir que subir la chouha », rétorque-t-elle. La chouha (« humiliation », en arabe dialectal), c’est ce que subissent les Marocaines qui ont eu des rapports sexuels avant le mariage, selon Selma. Il y a quatre ans, elle a perdu sa virginité avec un camarade de l’université, à Casablanca. « Je ne l’ai fait qu’une fois. A l’époque, je ne mesurais pas les risques, je ne pensais qu’à prendre du plaisir et à découvrir mon corps », se souvient la jeune femme, silhouette fine et yeux sombres.

A Tahar*, son époux depuis un an, Selma n’a jamais osé raconter son expérience. « Je connais beaucoup de femmes qui ont été battues ou répudiées parce qu’elles n’ont pas saigné pendant leur nuit de noces. » Sur les conseils de ses amies et encouragée par sa mère, elle s’est procuré, quelques jours avant son mariage, une capsule de sang artificiel visant à créer une illusion de virginité. Insérée dans le vagin environ vingt minutes avant le rapport sexuel, la poche éclate sous l’effet de la chaleur corporelle et un liquide rouge se répand, simulant une rupture de l’hymen. « Ils veulent du sang, alors on leur donne du sang », ironise Selma, qui a vécu, lors de sa nuit de noces, une deuxième « première fois ».


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