dimanche 13 août 2017

Intox/détox Sans douche : comment vous sentez-vous ?

Christian Delahaye
| 09.08.2017


Le lavage quotidien ruinerait notre écosystème épidermique et nous exposerait aux agents toxiques des savons et autres détergents. Faut-il croire les « unwashed », opposant de la sur-hygiénisation de nos sociétés occidentales ?

Fortement relayés par les médias et surtout par les réseaux sociaux, les régimes d’exclusion débordent des rayons alimentaires pour investir les modes de vie, avec les « sans-se-laver », « sans-s’habiller »… Le même scénario attire à chaque fois des foules d’adeptes : haro sur un produit, une substance, un comportement, qui empêcherait de bien vivre. Enjeu : se soigner individuellement, en dehors des chemins médicaux scientifiquement balisés. « Le Quotidien » propose un état des lieux de ces « sans-sans », en deux temps : intox/détox.

Intox aux douches ?
Les douches quotidiennes (autant que les bains) sont mauvaises pour la santé. C’est une allégation qui circule beaucoup sur le net, relayée par des médias américains à prétention scientifique.
Le Dr James Hamblin, journaliste médical, témoigne ainsi de son expérience personnelle dans The Atlantic Magazine : « J’ai commencé par utiliser moins de savon, moins de shampoing, moins de déodorant et par prendre moins de douches. Je suis passé de tous les jours à un jour sur deux, puis à un sur trois. Et maintenant, j’ai à peu près tout arrêté. Je ne vais pratiquement jamais sous la douche (…) Lorsque vous épargnez à votre corps ce traitement, cela donne à l’écosystème une chance de se rétablir et vous cessez de sentir mauvais. »
Les « unwashed » (littéralement les « pas lavés »), rejoints par les « no-poo » (les « sans shampoing ») ont lancé il y a une dizaine d’années la tendance « cleansing reduction » (un barbarisme qui conjugue les verbes to clean, nettoyer, et to cleanse, délivrer) ; ils rappellent que la douche quotidienne, une invention qui n’a pas plus de soixante ans, a été promue pour des raisons davantage mercantiles qu’hygiéniques, pour le plus grand profit des aménageurs de salles de bains et des fabricants de savons.
Selon eux, le passage sous le jet quotidien expose aux sous-produits cancérigènes de la chloration de l’eau (les trihalométhanes, THM), tandis que les savons trop forts et autres détergents, shampoings, après-shampoings, crèmes et lotions de bains et de douches agressent avec leurs agents toxiques le microbiote équilibré de la peau, ruinant notre écosystème épidermique.
L’effet bactériologique de ces lavages nuit aux bactéries naturellement présentes sur la peau en laissant le champ libre à des pathogènes qui peuvent être redoutables, tels les staphylocoques dorés. Ils sont au demeurant moins efficaces que le sébum et quand bien même on en réduit les applications, le simple jet mécanique crée irritations, sécheresse et crevasses (en particulier avec l’eau chaude).
Tous ces arguments contre l’hyper- ou la sur-hygiénisation portent : quatre Britanniques sur cinq zappent la douche quotidienne (sondage réalisé en 2015 pour le « Daily Mail »). Mais en France, elle fait de la résistance, avec seulement 20 % des Français qui se contentent d’une douche tous les deux jours et 3,5 % qui n’y passent qu’une fois par semaine (sondage BVA 2015).
Détox
« Le mouvement unwashed est un retour de manivelle qui répond à l’idéologie anglo-saxonne d’un monde sans microbe, aseptique, zéro contamination », relève le Dr Jean-Loup Dervaux (« Les maladies de peau », Dangles) et il passe d’un excès idéologique à un autre ». « Les unwashed s’inscrivent dans un mouvement de retour à la nature qui conteste la consommation de cosmétiques jugés allergènes et perturbateurs, ajoute le Dr Marc Perrussel (attaché au CHU de Rennes) Les no-poo sont des bo-bos, en révolte contre le système. » Bien sûr, « l’excès de lavage de la peau par un nettoyage trop répété est néfaste, convient le Dr Dervaux (auteur des « Maladies de la peau »), il aboutit à une destruction de la flore cutanée, finit par abraser la peau, provoque un suintement de sérosité qui devient rapidement un nid à microbes, entraînant rougeurs et eczématisation. »
En ce sens, « la douche quotidienne n’est pas forcément la meilleure option », reconnaît le Dr Nina Roos, auteur d’« Une peau en pleine forme » (Solar), qui propose plutôt une douche tous les deux jours quitte, pour le plaisir et pour enlever la sueur, à passer sous l’eau tous les soirs, mais sans se savonner. « C’est un sujet aussi social : les odeurs corporelles sont insupportables dans l’exercice professionnel comme dans la promiscuité familiale. »
Les unwashed prétendent qu’ils ne dégagent pas de mauvaises odeurs, qu’ils prennent soin autrement de leur peau en préservant son hydratation et son potentiel de régénération mieux qu’avec les toxiques cosmétiques. « Faux, rétorque le Dr Perrussel. Ils croient qu’ils ne sentent pas mauvais, simplement parce qu’ils s’habituent à leur propre odeur corporelle. »
Les Romains le savaient déjà : Stercus cuique suum bene olet (pour chacun, son fumier sent bon)…

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