Un collectif de 200 médécins prend position contre l’avis du Comité d’éthique qui s’est prononcé contre l’autoconservation des ovocytes « sociétale », c’est-à-dire sans motif médical.
LE MONDE | | Par Collectif
TRIBUNE. Le Comité consultatif national d’éthique a rendu ses conclusions sur des questions de société qui concernent l’assistance médicale à la procréation (AMP). Il s’est notamment positionné contre la pratique de la gestation pour autrui (GPA), mais pas encore pour une abolition internationale de l’exploitation commerciale du corps des femmes.
Par ailleurs, il s’est prononcé en faveur de l’ouverture des techniques d’AMP pour les couples d’homosexuelles ainsi que pour les femmes célibataires. Si nous nous réjouissons d’une telle décision, nous déplorons l’avis défavorable émis quant aux possibilités d’autoriser l’autoconservation des ovocytes sans motif médical.
Cette position, quelques jours après que l’Académie de médecine s’est prononcée en faveur de la congélation « sociétale » des ovocytes, pose un problème de fond qui n’a pas manqué d’être souligné par une minorité importante de cette instance qui insiste sur le respect de l’autonomie de la décision de toute femme dûment informée.
En effet, il existe une inégalité physiologique hommes-femmes d’un point de vue reproductif, avec, pour ces dernières, une fenêtre de fertilité relativement restreinte. Par ailleurs, les dernières années ont vu croître l’âge de la première grossesse, qui dépasse désormais les 30 ans dans notre pays. Ceci tient notamment aux changements sociétaux, avec des femmes de plus en plus investies dans leurs études et leur vie professionnelle.
Nouvelles perspectives
Parallèlement, la dernière décennie a été l’objet de grandes avancées techniques, qui permettent désormais de congeler les ovocytes de manière efficace, ouvrant la porte à la préservation de la fertilité féminine. Cette dernière est, en France, autorisée et recommandée en cas de pathologie ou traitement pouvant impacter négativement le potentiel de reproduction féminin.
Ce type de médecine préventive ne peut toutefois pas actuellement être proposé pour lutter contre le phénomène naturel de vieillissement ovarien, excepté si une partie des ovocytes est attribuée au don. Dans ce contexte de pénurie de gamètes disponibles pour le don, la congélation ovocytaire, et tout ce qu’elle implique, est autorisée sans réticence.
Notre pays a fait le choix de prendre en charge, sans distinction d’âge, des tentatives de fécondation in vitro, pour des femmes âgées de 18 à 43 ans. Cependant, les taux de succès montrent que moins de 10 % des femmes de plus de 40 ans auront au final un enfant, ce qui atteste de l’altération de la qualité ovocytaire avec l’âge.
Ainsi, une femme désireuse de congeler des gamètes pour « figer le temps », et conserver des chances optimales de grossesse en cas de fécondation in vitro (FIV), se voit interdire cette demande alors que tout homme qui émet le souhait de préserver sa fertilité peut le faire aisément, et sans aucun jugement.
Cette interdiction à l’autonomie reproductive féminine ne nous paraît pas fondée ni défendable. En effet, la réalité montre que la femme, tout comme l’homme, désire maîtriser sa fertilité. Les batailles ont été dures et longues pour qu’elles aient accès à la contraception, à l’interruption volontaire de grossesse et à la FIV. Les progrès médicaux ouvrent désormais de nouvelles perspectives pour renforcer ce principe d’autonomie et d’égalité hommes-femmes.
Maîtriser sa fertilité
Un grand nombre de pays européens ont d’ores et déjà accepté le principe de cette autoconservation ovocytaire « sociétale ». La France n’est plus pionnière en matière de reproduction et reste même loin derrière ses homologues européens et internationaux, ne permettant pas à ses patientes l’accès à un niveau de soins performant. Cela tient plus, notamment, à des lois qui n’évoluent pas au rythme des technologies et des mentalités.
Nous dénonçons par conséquent une nouvelle décision illogique, bloquante pour les femmes et les praticiens. Il nous paraît fondamental, à l’heure où les lois de bioéthiques vont être prochainement rediscutées, de lever cette interdiction de l’autoconservation ovocytaire sociétale. Ne pas interdire ne signifie pas que les modalités de cette autoconservation ovocytaire ne devront pas être discutées.
Par ailleurs, l’ouverture de l’AMP aux couples homosexuelles et aux femmes célibataires reposera le problème de l’anonymat du don et de la pratique du don de gamètes dans sa globalité.
Plus généralement, dans la prolongation du manifeste rédigé en mars 2016 par 200 médecins pour améliorer l’AMP en France, nous demandons que puissent être menées rapidement des discussions sur la prévention de l’infertilité, le développement de la recherche et la prise en charge de l’AMP au regard des évolutions sociétales et scientifiques.
La tribune portée par Michaël Grynberg, chef de service de médecine de la reproduction et préservation de la fertilité à l’hôpital Jean-Verdier à Bondy (93) est signée par un collectif de 200 médecins signataires du manifeste rédigé en mars 2016 pour améliorer l’AMP en France, dont : Pr René Frydman, Dr Catherine Rongières, Dr Thomas Fréour, Pr François Olivennes, Dr Catherine Avril, Pr Israël Nisand, Dr Pascal Piver, Pr François Vialard, Pr Chabbert-Buffet, Pr Blandine Courbière.
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