vendredi 7 avril 2017

Un externe sur cinq a eu des idées suicidaires, révèle une thèse de médecine générale

Sophie Martos
| 07.04.2017








































































Plus de 20 % des externes de la faculté de médecine de Tours et de Paris-Diderot (Paris VII) ont déjà eu des idées suicidaires et plus de 60 % ont songé à renoncer à leurs études, révèle la thèse* du Dr Alban Danset, médecin généraliste et remplaçant en Ile-de-France. L'étude** épidémiologique, descriptive et multicentrique a été réalisée auprès des étudiants de 4e, 5e et 6e année de médecine des facultés François Rabelais de Tours et de Paris-Diderot au cours de l'année de 2015-2016.

Elle passe au peigne fin les modes de vie, poids, consommation de médicaments et toxiques, qualité de vie, anxiété, dépression, burn-out ou encore troubles du sommeil des externes. « On parle de la santé mentale des médecins seniors et des internes mais très peu d'études s'intéressent à la santé psychique des externes », confie le Dr Danset au « Quotidien ».
Isolement, insatisfaction en stage…
Dans les deux facultés, plus de 80 % des externes consomment de l'alcool dont 9 % déclarent un problème probable d'alcoolodépendance. Près de 40 % se disent anxieux et 57 % affichent des troubles du sommeil. Quelque 70 % des carabins tourangeaux présentent une dimension caractérisant le burn-out (et même 76 % pour les parisiens). « Des facteurs comme l'isolement, le peu de sorties, l'insatisfaction en stage, le faible soutien de l'entourage, la consommation de tabac sont associés à l'anxiété, à la dépression, au burn-out et aux idées suicidaires et aux tentatives de suicide », peut-on lire. Cette étude expose « clairement que les externes sont en grande souffrance, principalement à l'hôpital avec des épisodes de maltraitance, d'humiliation ou de machisme, souligne le Dr Danset.
Le généraliste n'a pas été surpris. « Les chiffres sont cohérents avec les études déjà réalisées auprès des seniors et des internes. Le taux de suicide chez les médecins est 2,5 fois supérieur à la population générale », rappelle l'auteur en écho à d'autres travaux.
Contrat de travail en bonne et due forme
L'auteur propose des pistes d'amélioration. Il suggère de créer un contrat de travail complet formalisant les droits des externes, leurs missions, leurs horaires, le nom du référent en cas de problème etc. Le généraliste propose aussi l'ouverture d'un groupe de parole systématique pour les carabins et une adhésion possible à l'Ordre afin qu'ils puissent bénéficier des services d’aide aux médecins en souffrance. « Avant, il y avait une chape de plomb avec une interdiction de se plaindre, de montrer ses faiblesses. Aujourd'hui les langues commencent à se délier », commente-t-il.
Ce travail édifiant intervient alors que les résultats d'une enquête nationale sur la santé mentale des jeunes, lancée par plusieurs syndicats d'étudiants, d'internes et chefs de clinique (ANEMF, ISNAR-IMG, ISNI, ISNCCA), sont attendus début mai.
« Le mal-être et la mauvaise santé des étudiants en médecine de manière générale mais principalement pendant l'externat ne sont plus à démontrer, commente l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF). Il faut une prise de conscience générale. On ne peut pas faire de bon médecin, si déjà pendant les études, les étudiants sont à bout de souffle ».
Début mars déjà, le Dr Valérie Auslender, médecin généraliste avait publié un ouvrage choc « Omerta à l'hôpital » pour dénoncer les violences et pressions subies par les étudiants et internes lors de leurs stages hospitaliers. Plusieurs carabins avaient livré des témoignages poignants vécus lors de leur cursus.
* Dirigée par le Pr Éric Galam (Paris-Diderot) et en collaboration avec Coraline Saint Félix
** 539 externes ont répondu à Tours et 497 à Paris-Diderot. Auto-questionnaire distribué en mars 2016. 

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