dimanche 9 avril 2017

SCALP – La douceur de l’enfance, par Pierre Sidon



Ma mère confiait récemment le souvenir du bonheur qu’elle éprouvait de pouvoir promener ses enfants dans Paris, librement et sans peur, vingt ans après la fin de la guerre : « quelle chance ! », pensait-elle. Sa propre enfance avait été marquée par l’exode : séparée de ses parents, cachée, spoliée de tout et vivant dans la peur. Ce bonheur, elle ne l’avait jamais exprimé auparavant auprès de moi – probablement parce que cela aurait été transmettre son fond d’angoisse vitale.

Les raisons d’un sommeil
À ceux qui sont nés pendant les trente glorieuses dans un contexte protecteur, il était loisible de dormir paisiblement à l’abri de la garantie d’un monde reconstruit qui voulait encore croire au progrès. S’agissait-il d’un sommeil naïf ou d’un sommeil averti dont il serait douloureux de se réveiller ? La deuxième hypothèse est bien sûr plus lacanienne. Qu’il est douloureux de se réveiller ! Plutôt mourir même… On ne se réveille d’ailleurs jamais, finit par conclure Lacan.
Mais ce monde apaisé, rassurant, c’était aussi un monde finissant. L’effondrement concomitant des partis de gouvernement, survenu brutalement ces dernières semaines, n’en est pas un des moindres symptômes. Malgré les apparences, il n’est en rien conjoncturel. La tenue de primaires en constituait le signe annonciateur. Et déjà en 2002, au moins pour la gauche, Jacques-Alain Miller l’annonçait dans son « Tombeau de l’homme de gauche » (1).
Dans ce champ de ruines de l’ancien ordre subitement révélé, le FN peut certainement gagner l’élection résidentielle.
Des chiffres ou des lettres ?
Le FN peut remporter l’élection avec son « plafond de verre » du fait de la volatilité de l’électorat massivement tenté par l’abstention ou le vote blanc qui pèsent d’un poids inédit dans les pronostics, comme l’explique Serge Galam, physicien et politologue à Science Po (2). Les sondages, comme ce fut le cas aux États-Unis ou en Grande Bretagne, peuvent échouer quant à la prévision du résultat du deuxième tour – pronostic dont croient s’assurer les opposants au « votutile ». « L’élection peut se jouer sur un coup de dés », affirme encore Gérard Courtois dans son édito du Monde moins d’un mois avant le vote (3).

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