jeudi 23 mars 2017

Les mesures d'isolement et contention ne sont encore qu'exceptionnellement tracées dans un registre

Selon le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), peu d'établissements de santé habilités à recevoir des patients hospitalisés sous contrainte ont tracé en 2016 les mesures d'isolement et de contention. Et rares seraient ceux ayant formalisé une politique de limitation de ces mesures, comme le prévoit pourtant la loi de Santé.
Dans son rapport* annuel d'activité rendu public ce 22 mars, le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), Adeline Hazan, rappelle s'être particulièrement intéressé en 2016 aux pratiques d’isolement et de contention dans les hôpitaux. Elle a d'ailleurs publié un rapport thématique sur le sujet (lire notre article). Le CGLPL précise qu'au cours de cette année 2016, vingt-huit établissements de santé habilités à recevoir des patients hospitalisés sans leur consentement ont été contrôlés. Dans le même temps, le Parlement a adopté dans la loi du 26 janvier 2016 relative à la modernisation de notre système de santé, des dispositions instaurant un encadrement juridique du recours à l’isolement et à la contention, "que le CGLPL a longtemps appelé de ses vœux". 

Une traçabilité encore difficile

Or, dans les mois qui ont suivi l’adoption de la loi de Santé, le contrôleur général n’a pu que constater "le peu de mesures prises pour assurer son appropriation par les équipes soignantes et, en conséquence, le peu d’établissements qui avaient formalisé une politique de limitation du recours à l’isolement et à la contention". Ces mesures ne sont encore qu’exceptionnellement tracées dans un registre, relève le contrôleur. Et lorsque des registres existent, "ils sont souvent difficiles à exploiter". Le CGLPL précise n’avoir rencontré que deux établissements dans lesquels la traçabilité des mesures est assurée. Les visites effectuées ont également confirmé les critiques faites dans son rapport thématique concernant les conditions d’hébergement des patients placés à l’isolement. Le contrôleur signale des "chambres présentant de graves faiblesses en matière de sécurité" ou encore des patients "isolés dans leur propre chambre sans mesures de surveillance ni moyens adaptés". Il évoque également des chambres dépourvues de sanitaires et installées loin du bureau des soignants, ainsi que des locaux dont "l’organisation générale rappelle le quartier d’isolement de certains établissements pénitentiaires". Dans un établissement visité des patients étaient placés nus en chambre d’isolement, souligne le CGLPL. Enfin, les contrôleurs ont relevé "dans au moins deux établissements des décisions de placement à l’isolement prises en l’absence de médecins sur le fondement d’ordonnances préparées à l’avance, comportant la mention "si besoin"". 

Un texte "dynamique" attendu du ministère

Consulté par la ministre des Affaires sociales et de la Santé sur un projet de circulaire d’application (lire notre article), le CGLPL a rappelé l’ensemble de ses préconisations. Il a souligné que ce document ne "devrait pas être un texte de pure procédure réglementant la forme du registre institué par la loi mais un texte dynamique affirmant la volonté des pouvoirs publics de faire diminuer les pratiques d’isolement et de contention". À la date de rédaction du présent rapport d’activité, cette circulaire n’était toujours pas adoptée, note le contrôleur général. Lors d'un congrès au ministère le 14 mars dernier, la DGOS a annoncé que cette instruction "devrait être publiée dans les prochaines semaines". Par ailleurs, le CGLPL a examiné, au cours de chacune de ses missions, les mesures prises pour que les patients bénéficient, au cours de leur hospitalisation, d’une liberté d’aller et venir aussi complète que l’autorise leur état de santé. "Seule la considération des soins à prodiguer aux patients ou des mesures de sécurité qu’impose le comportement individuel de chacun peuvent justifier des restrictions de liberté qui ne sauraient résulter ni de mesures d’organisation, ni de contraintes pratiques, ni de mesures de sécurité générales, systématiques et impersonnelles", souligne le contrôleur. "En d’autres termes, poursuit-il, si l’état clinique d’un patient peut justifier qu’il soit privé de liberté, il ne peut pas servir de prétexte à ce que l’ensemble des patients qui l’entourent le soient aussi". Or le CGLPL constate dans ses visites que "les unités fermées sont prédominantes".

De trop grandes disparités dans les libertés des patients

Des disparités affectent la gestion d’autres libertés, telles que celles de la correspondance, de posséder un téléphone portable, d’utiliser l’informatique et d’accéder à internet, de fumer ou d’avoir des relations sexuelles, relève le CGLPL. Dans ces domaines, les contrôleurs ont observé une disparité "qui ne trouve pas de fondement dans les différences de pathologie des patients, ni même dans la configuration des locaux mais simplement dans les "cultures d’établissement" ou dans les choix, parfois implicites, des équipes soignantes". Et les disparités observées d’un établissement à l’autre, voire d’un service à l’autre "sont si grandes que le CGLPL considère qu’elles mettent en cause l’égal accès de chacun aux soins". Certains établissements ont mis en place, par la voie de leur comité d’éthique ou au sein de commissions ad hoc, une réflexion originale sur la liberté d’aller et venir, souligne le contrôleur général. "Cela revient à examiner toute mesure restrictive de liberté, à s’interroger sur ses fondements et, le cas échéant, à rechercher les moyens de parvenir au résultat souhaité par des méthodes moins contraignantes", explique-t-il. Et d'ajouter que ponctuellement, une démarche comparable peut aussi être développée sur d’autres libertés comme l’usage des téléphones portables ou le droit de fumer. Aussi, pour le contrôleur général, une démarche de réflexion "doit être suscitée au sein de chaque établissement sur les moyens d’élargir la liberté d’aller et venir des patients et d’alléger les contraintes qui leur sont imposées dans leur vie quotidienne". Ceci afin de ne maintenir, conclut-il, que les restrictions justifiées par des nécessités de soins ou de sécurité liées à l’état de santé d’un patient.
Caroline Cordier
* Ce rapport, publié aux éditions Dalloz, est disponible en librairie, et devrait être téléchargeable début avril sur le site internet du CGLPL.
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