lundi 12 décembre 2016

Du mythe de la maîtrise de soi, à celui du bien-être et de la réussite individuelle

Par Hubert Guillaud

Sur Vox, le journaliste Brian Resnick revient sur le mythe, oh combien persistant, de la maîtrise de soi. Pourtant, rappelle-t-il, pour les psychologues il est clairement établi que notre volonté n’est pas suffisante pour atteindre les objectifs que l’on se fixe. Cela ne nous empêche pas, depuis Adam et Eve, de baigner dans la culpabilisation de l’échec moral que produit la tentation qui surpasse la volonté.
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Nombre d’études montre que résister à la tentation est la plupart du temps un échec total voire au mieux apporte quelques rares gains à court terme. Pour Resnick, il serait temps d’accepter que la volonté brute ne fonctionne pas, ce qui nous permettrait de moins culpabiliser quand nous succombons à la tentation et d’aider vraiment les gens à atteindre leurs objectifs. En fait, les gens qui arrivent à bien se contrôler sont d’abord des gens qui sont moins tentés. Une étude de 2011 a montré que les gens qui parvenaient le mieux à se contrôler étaient ceux qui avaient le moins à utiliser cette maîtrise de soi.
Le contrôle de soi n’est pas une question de volonté individuelle
Les psychologues Marina Milyavskaya (@marinamilyav) du Laboratoire de la poursuite de ses objectifs et de l’auto-contrôle de l’université Carleton à Ottawa et Michael Inzlicht du Laboratoire des neurosciences sociales de l’université de Toronto ont récemment confirmé et développé cette idée. Dans leur étude à paraître dans la revue Social Psychological and Personality Science, ils ont montré que les étudiants qui avaient exercé la plus grande maîtrise de soi n’avaient pas réussi à atteindre leurs objectifs et étaient les plus épuisés mentalement. Ce sont les étudiants qui ont connu le moins de tentations qui ont été les plus efficaces. En fait, expliquent les psychologues, les gens qui parviennent le mieux à se contrôler sont ceux qui prennent du plaisir à se contrôler, comme à manger sainement ou à faire du sport. Les activités que vous appréciez sont plus susceptibles d’être répétées que celles que vous détestez. En fait, les gens qui savent bien se maîtriser ont de meilleures habitudes : ils se nourrissent convenablement, font du sport, dorment comme il faut… « Les gens qui maîtrisent bien le contrôle de soi… semblent structurer leur vie de manière à éviter d’avoir à prendre des décisions difficiles » : ils structurent leur vie autour de « bonnes » habitudes et de routines qui les rendent plus faciles à accomplir. Ainsi, pour ne pas avoir de problème de réveil, tout l’enjeu n’est pas de se battre avec son réveil, mais par exemple de l’éloigner de soi pour être obligé de se lever pour l’éteindre, c’est-à-dire d’éloigner l’enjeu de volonté en améliorant la planification.
C’est ce que montraient déjà les travaux de Walter Mischel et son fameux test du Marshmallow qui pointait le fait que le secret de la maîtrise de soi n’était pas dans la volonté, mais dans la distraction, c’est-à-dire dans la capacité à modifier sa perception. En fait, soulignent les chercheurs, certaines personnes sont moins tentées que d’autres et les raisons à cela puisent à la fois dans la loterie génétique et dans l’apprentissage social. Pour le psychologue du Laboratoire de neurosciences sociales et affectives de l’université de l’OregonElliot Berkman, les personnes qui grandissent dans la pauvreté sont plus susceptibles de se concentrer sur les récompenses immédiates que les récompenses à long terme, mais cela ne signifie pas pour autant qu’ils ont moins de capacité à s’auto-contrôler.

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