mercredi 6 juillet 2016

Ôtez ces poils que l’on ne saurait voir !

 04/07/2016


Tous les praticiens, à l'exception peut-être des psychiatres, ont constaté une augmentation très nette de la prévalence de l'épilation pubienne parmi leurs patientes. Cette mode a suscité l'attention des réseaux sociaux, des journaux féminins, mais aussi des psychologues, des sociologues, des sexologues et des gynécologues. Bien que l'épilation pubienne ait peu d'impact sanitaire (en dehors du risque de plaies lors du rasage [et de leurs infections], et de la diminution de la fréquence des infestations par des poux) elle est devenue depuis le début du 21e siècle un objet d'études épidémiologiques.
C'est ainsi qu'un équipe californienne s'est penchée sur les pubis féminins pour en mesurer la fréquence de l'épilation (grooming) , connaître les motivations de cette pratique et tenter de mettre à jour des corrélations entre le "toilettage" pubien et des caractéristiques démographiques ou sociologiques.

Avant le sexe... ou une consultation

Au total, 3 316 femmes âgées de 18 à 65 ans représentatives de la population habitant aux Etats-Unis ont accepté de participer à cette enquête déclarative. Seules 16,2 % de ces femmes ne s'étaient jamais épilé la région pubienne. Parmi les 83,8 % femmes s'étant déjà épilées, la fréquence temporelle de cette pratique était bimodale, environ 5 % des femmes répondeuses s'épilant tous les jours et autour de 3 % le faisant une fois par an.
Les techniques utilisées pour éliminer les poils pubiens étaient assez prévisibles puisque le rasage (mécanique ou électrique) était la méthode la plus pratiquée (73 %) loin devant la taille aux ciseaux (17,5 %) ou l'épilation à la cire (4,6 %). Ce toilettage pubien était le plus souvent réalisé par la femme elle-même (92,8 %), plus rarement par le partenaire (8 %) ou par un professionnel (6,7 %).
Une lecture attentive de cette étude permet également d'en savoir plus sur les zones précises sur lesquelles portent l'épilation (des régions sus-vaginales, à l'intérieur des cuisses en passant par les zones péri-anales, inter vagino-anales...). 
Quant aux motivations déclarées par les participantes elles vont d'un souci d'hygiène (59 %), de la "routine" (45 %), de préoccupations esthétiques (31 %), des préférences du partenaire (21 %) à une facilitation du sexe oral (20 %) pour ne citer que les principales (plusieurs motivations pouvaient être indiquées). Il est à noter que lorsque les participantes sont invitées à indiquer les situations pour lesquelles elles s'épilent, l'activité sexuelle (55 % des répondeuses) vient devant les vacances (45 %) et une visite médicale (40 % !) (plusieurs réponses étaient possibles).

Une femme jeune, blanche et diplômée

Plus "intéressantes" sont les corrélations entre la pratique de l'épilation pubienne et les caractéristiques démographiques, et sociologiques des répondeuses. Il apparaît ainsi qu'en analyse multivariée, le "toilettage" pubien est très nettement plus souvent pratiqué chez les femmes jeunes puisqu'il est 25 fois plus fréquent dans la tranche d'âge 18-24 ans que chez les femmes de 55 à 64 ans (p = 0,03). L'épilation pubienne est également associée significativement au niveau d'étude (puisqu'elle est plus fréquente chez les diplômées) et à l'ethnie (puisqu'elle est significativement plus répandue chez les blanches que dans les autres groupes ethniques des Etats-Unis). A noter cependant que cette habitude n'est pas associée significativement aux revenus et qu'il n'existe donc pas de fracture sociale au niveau du pubis. Enfin si l'épilation pubienne est apparue associée au nombre de partenaires sexuels au cours de la vie, elle n'a pas semblé être corrélée à des pratiques sexuelles spécifiques contrairement à ce que l'on aurait pu imaginer...

On reste sur sa faim

Tami S Rowen et coll. nous offre donc une photographie à un instant t (deuxième décennie du 21ème siècle) de l'état du pubis des femmes dans un pays donnée (les Etats-Unis). Si cette étude épidémiologique permettra de renseigner les historiens du futur, elle ne nous permet pas réellement de nous éclairer sur les motivations profondes psychologiques et sociologiques de cette mode qui touche à l'intime et qui justifierait d'être explorée par les méthodes plus qualitatives des sciences humaines plutôt que par les outils statistiques de l'épidémiologie.
Dr Céline Dupin
RÉFÉRENCE
Rowen T et coll.: Pubic hair grooming prevalence and motivation among women in the United States. JAMA Dermatogy 2016; publication avancée en ligne le 29 juin. doi: 10. 1001/jamadermatol.2016.2154.

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