mercredi 20 avril 2016

Une proposition de loi pour abolir la violence faites aux enfants

LE MONDE  | Par Gaëlle Dupont
Ils espèrent « faire bouger les lignes » sur un sujet qui est encore loin de faire consensus. Les députés Edith Gueugneau (divers gauche, Saône-et-Loire) et François-Michel Lambert (écologiste, Bouches-du-Rhône) présentent mercredi 20 avril une proposition de loi « visant à abolir la violence faite aux enfants ». Les élus proposent de compléter la notion d’autorité parentale définie dans le code civil. Elle doit être exercée selon eux en excluant « tout traitement cruel, dégradant ou humiliant, y compris tout recours aux punitions corporelles ». Ils veulent également bannir tout « droit de correction » des parents envers leurs enfants.

Le texte ne prévoit aucune sanction. « Il ne s’agit pas de pénaliser, mais de sensibiliser,résume Edith Gueugneau. J’ai travaillé très longtemps dans une pharmacie en milieu rural, et j’ai toujours été stupéfaite de voir la rapidité avec laquelle les parents crient et utilisent des gestes brutaux envers leurs enfants.  Je suis convaincue qu’une éducation sans violence est capitale pour aller vers une société apaisée. »
Les « violences éducatives ordinaires » sont « l’ensemble des pratiques coercitives et punitives utilisées, tolérées, voire recommandées, dans une société, pour éduquer les enfants », indique l’exposé des motifs. Cela comprend les injures, moqueries, menaces, gestes brutaux, fessées, gifles... « Il est établi que non seulement ces méthodes ne sont pas efficaces pour se faire obéir, mais qu’elles représentent un risque pour la santé et le développement de l’enfant, affirme le médecin Gilles Lazimi, très implique sur ce sujet depuis plusieurs années. On peut éduquer en enfant sans violence et en sachant dire non. Cela implique d’avoir des attentes qui correspondent à leur stade de développement. »
Question éthique
Des études américaines et canadiennes montrent que plus les enfants reçoivent des coups, plus ils en donneront. Un lien entre corrections et maltraitance a également été établi, l’appréciation de la légèreté ou de la gravité des corrections étant très variable selon les personnes.
Pour les auteurs de la proposition de loi, c’est aussi une question éthique. « Dans la rue, si vous voyez un homme gifler une femme, vous intervenez. Si vous voyez quelqu’un donner un coup de pied à un animal, vous intervenez. Si vous voyez un père ou une mère donner une claque à son enfant, vous n’intervenez pas, alors qu’il est particulièrement vulnérable », argumente François-Michel Lambert. L’élu regrette d’avoir lui-même été dans une forme de« dressage » avec ses enfants. « On applique des méthodes qu’on croit immuable, et on se trompe, relève-t-il. J’aurais aimé avoir des informations extérieures. »
« 90% des parents que je rencontre ont des intentions positives et aspirent à une éducation non-violente », observe Gilles Lazimi. Par ailleurs, aucun spécialiste de l’enfance ne défend l’usage des punitions corporelles. Mais les Français, rétifs à toute intrusion dans la sphère privée, restent majoritairement hostiles à une interdiction formelle, selon les dernières enquêtes menées sur le sujet.
Etude comparative
C’est l’argument utilisé par la ministre des familles et de l’enfance, Laurence Rossignol, qui se refuse à légiférer sur ce sujet. « Il faut changer le regard sur les punitions corporelles : être davantage sur le terrain éducatif que législatif », a-t-elle répété sur son compte Twitter le 18 avril. Le nouveau livret des parents, envoyé depuis peu à tous les couples qui attendent leur premier enfant, découle de cette philosophie et met en garde contre les effets potentiellement nocifs des châtiments corporels.
« Son discours est parfait, il ne manque que la loi ! », lance Gilles Lazimi. Une étude comparative menée en 2007 dans cinq pays européens montrait que la Suède, qui a légiféré sur ce sujet il y a 30 ans, présente les plus faibles taux de recours aux corrections et de maltraitance envers les enfants, tandis que la moitié des parents espagnols et français avaient recours aux punitions corporelles.
Le précédent texte élaboré sur ce sujet, déposé par la pédiatre et députée de droite Edwige Antier en 2011, n’avait jamais été mis à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. François-Michel Lambert table, lui, sur une inscription du texte dans la prochaine niche parlementaire écologiste, qui permettrait une discussion en séance publique en janvier 2017.


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