lundi 4 avril 2016

Sophie et Dominique Moulinas : terreur intime

Par Cordélia Bonal — 

Les parents de l’ado meurtrier d’Agnès Marin se demandent pourquoi leur fils a été capable d’une telle horreur.

Parfois, les mots sont inopérants, ils viennent se fracasser comme de petits cailloux contre le mur de pierre des faits. Et les faits sont cruels. Sophie et Dominique Moulinas ont d’abord gardé le silence. Pas osé, trop honte. Que dire, d’ailleurs ? «Parler nous paraissait si indécent. Rien de ce que nous aurions pu dire n’était entendable.» Maintenant que deux procès sont passés, que la justice a jugé, ils s’autorisent à s’ouvrir à quelques journalistes et dans un livre. Ils ont hésité, par pudeur, par égard pour les familles des victimes. «Et puis on s’est dit qu’on avait le droit… On se donne le droit de survivre», commence Dominique Moulinas, 46 ans, roc fissuré mais solide encore. A son côté, Sophie Moulinas, un an de plus, beau visage alourdi par les médicaments et une infinie tristesse. Un souffle : «C’est difficile pour moi de vous parler, tout est encore flou.» Les larmes ne sont pas loin, chaque mot est pesé. «Parler fait du bien. Et ça peut peut-être servir à d’autres.» A quoi ressemblaient-ils, avant, ces parents ?
Le cauchemar s’est scellé en deux déflagrations. A l’été 2010, leur fils, Matthieu, 15 ans alors, viole, sous la menace d’un couteau de cuisine, une jeune voisine, Julie, dans leur village du Gard. Seize mois plus tard, dont quatre de détention provisoire, Matthieu viole, tue de 17 coups de couteau et brûle le corps d’une camarade d’internat, au Chambon-sur-Lignon, en Haute-Loire, où les Moulinas s’étaient démenés pour faire admettre Matthieu, sous contrôle judiciaire. Agnès Marin avait 13 ans. Des parents pleurent leur fille, d’autres se découvrent un fils violeur et tueur. Mots qu’ils emploient tels quels, ils ne cherchent pas à minimiser les crimes de leur fils, qui, lui, ne les a jamais niés. En 2013, Matthieu Moulinas a été condamné à la prison à la perpétuité, fait rarissime pour un mineur. Il pourra, en théorie, demander une libération conditionnelle dans une vingtaine d’années.
Les regards, forcément, se sont braqués sur les parents : quelle perversité habitait donc ce couple pour qu’il ait pu enfanter un tel monstre ? Seulement, et c’est là une tragédie dans la tragédie, rien, dans la vie des Moulinas, n’a permis d’éclairer l’obscurité.

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